comme il l’avait fait entendre ? On l’ignore, car l’histoire n’en dit rien ; mais nous pouvons regarder comme certain qu’il ne consulta point Augusta.
Les choses en arrivèrent rapidement à ce point que le moindre incident pouvait amener un éclat et rallumer la guerre : l’insatiable orgueil d’Eudoxie se chargea de le faire naître. Cette demi-barbare, élevée par une intrigue d’eunuque au second trône du monde romain, avait des prétentions de grandeur que n’eussent osé avouer les plus fières patriciennes de la vieille Rome unies à des césars. Plusieurs impératrices avaient reçu à la vérité des honneurs solennels comme mères et épouses d’empereurs, honneurs se rapportant au prince dont ils étaient une émanation, car l’empereur, d’après la constitution romaine, était un dieu vivant en qualité d’incarnation du peuple qui lui avait transmis tous ses droits, et il participait en conséquence au culte rendu à la déesse Rome. C’est à ce titre que Livie, Agrippine, Julia Severa, Julia Moesa et d’autres avaient été honorées sous le premier empire, ainsi que plus tard Hélène, mère du fondateur de Constantinople, et Flaccille, épouse chérie du grand Théodose et mère des deux princes régnans. Eudoxie voulut davantage. Elle obtint de son faible mari le droit d’être adorée comme l’empereur lui-même dans ses images, promenées de province en province avec le cérémonial réservé aux Augustes. — Cet acte indigna l’Occident, qui n’y vit qu’une profanation du caractère de la souveraineté impériale, laquelle ne pouvait être transmise à une femme, et une violation des mœurs romaines. Honorius en fit des reproches amers à son frère, qui ne l’écouta pas. La statue d’Eudoxie fut donc présentée à l’adoration des peuples d’Orient, qui, il faut le dire, ne partageaient point en cette matière les scrupules des Occidentaux, habitués qu’ils étaient à compter des reines, et de glorieuses reines, dans leur histoire. La vanité d’Eudoxie devait être satisfaite : elle ne le fut pas. Il lui fallut encore une statue dans les murs de la ville impériale, et le sénat la vota, décrétant en outre qu’elle serait placée sur le forum principal, en face du palais où se tenaient ses grandes assemblées, non loin aussi des rostres byzantins, ridicule copie de la tribune rostrale de Rome, qu’avait foulée jadis le pied des Gracques, des Hortensius et des Cicéron. Quelques détails sur ce forum et sur les édifices environnans serviront à l’intelligence des événemens qui vont suivre.
Le théâtre choisi pour les vanités d’Eudoxie présentait un vaste quadrilatère borné au midi par le palais sénatorial, appelé grande Curie, au nord par le portail de Sainte-Sophie, à l’est et à l’ouest par de riches bâtimens, demeure des officiers de la cour et des citoyens les plus opulens. Derrière la Curie, sur un forum plus petit, se trouvait le palais impérial habité par Arcadius et sa famille.