meilleurs sentimens envers son ennemi par une crainte surnaturelle, le croyant à couvert sous la main de Dieu ; mais il ne manqua pas de gens, à la cour et dans l’église, pour lui expliquer le tremblement de terre comme un phénomène naturel et enlever à cette femme, avec ses terreurs superstitieuses, la seule prise que l’honnêteté eût encore sur elle. Aussi, à mesure que cette appréhension salutaire s’évanouissait, on la vit revenir à ses anciens erremens ; ses amies, écartées du palais par ménagement pour l’archevêque, y apportèrent peu à peu leurs dénigremens et leurs intrigues, et Chrysostome redevint comme jadis pour tous les courtisans un objet de sarcasme et de haine.
L’archevêque de son côté suivait ce mouvement d’un œil inquiet. On s’observait de l’archevêché au palais comme de deux citadelles ennemies, et les mesures que prenait Chrysostome ressemblaient parfois à des préparatifs de défense. Depuis son retour triomphal dans Constantinople et sur son trône, depuis l’amende honorable que l’altière Augusta s’était vue obligée de lui faire, sa croyance en sa propre force s’était accrue peut-être outre mesure. Il se sentait plus maître du peuple, et il l’était encore du prince, au moins pour quelques momens ; il profita de ces momens pour avoir autour de sa personne un clergé devant lequel il n’eût plus à trembler comme auparavant. Évidemment la tranquillité de son église ne pouvait être qu’à ce prix. Durant la nuit mémorable où la ville entière enivrée de joie l’avait ramené dans la basilique de Sainte-Sophie et replacé malgré lui sur son siége en présence d’Arcadius et d’Augusta, des voix nombreuses lui avaient crié de la foule : « Évêque, épure ton clergé, chasse les traîtres ! » Et il avait répondu à ces incitations, qui partaient de bouches amies, « qu’il aviserait avec les conseils de son peuple et ceux de la très pieuse impératrice. »
Il avisa effectivement, et sa réforme trancha au vif. Les clercs suspects furent renvoyés, les plus compromis se faisant justice eux-mêmes ; les fidèles au contraire furent récompensés par des grades ecclésiastiques. Le diacre Tigrius, élevé au sacerdoce, resta attaché à la personne de Chrysostome. Son autre confident, Sérapion, devenu prêtre, reçut l’évêché d’Héraclée en Thrace, vacant par la fuite ou la déposition de l’évêque Paul, qui avait assisté Théophile au concile du Chêne, et qui présidait même ce synode lors de la condamnation de Chrysostome. Les faveurs rémunéraient ainsi largement les clercs qui avaient montré de la fidélité et du courage pendant le péril, et le clergé de Constantinople reconstitué présenta un corps plus homogène et plus uni autour de l’évêque. Le peuple, qui faisait de plus en plus cause commune avec son pasteur, applaudissait aux récompenses comme aux sévérités. Chrysostome le consulta-t-il,