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nous racontons. Chrysostome n’était pas moins versé que Théophile dans l’histoire des églises d’Orient, et les traditions de celle d’Antioche, dont il était un des enfans, lui fournirent de quoi émousser ou briser l’arme que Théophile avait aiguisée contre lui. Le plan de sa défense consistait à démontrer d’abord l’invalidité des décrets d’Antioche comme règles de l’église universelle, puis à prouver que bons ou mauvais, ils ne s’appliquaient en rien aux incriminations de sa cause.

En premier lieu, Chrysostome prouvait, par les faits de l’histoire, que ces canons étaient ariens : ils émanaient d’une assemblée provoquée, dirigée par le chef des ariens ; l’assemblée elle-même délibérait, sous les yeux d’un empereur arien fanatique ; enfin elle avait pour but non-seulement, d’exclure de son siége, mais, de frapper de mort ecclésiastique Athanase, le grand docteur de la foi consubstantialiste. Si ces preuves d’arianisme ne suffisaient pas pour caractériser le concile d’Antioche, on pouvait ajouter que ce concile, voulant formuler sa foi dans un symbole, n’avait abouti qu’à des déclarations d’une orthodoxie plus que douteuse, remplies d’artifices et de subterfuges ariens, et que l’église catholique avait rejetées. Eh bien ! c’étaient les canons de cette assemblée hérétique, dictés par sa haine contre Athanase, qu’un concile catholique viendrait invoquer maintenant contre un évêque catholique dans une affaire qui ne touchait point au dogme ! N’y aurait-il pas là quelque chose d’étrange, de révoltant, une iniquité contre laquelle Chrysostome avait le devoir de protester ?

En second lieu, et, en admettant la validité des canons d’Antioche, ils n’étaient point applicables dans sa cause. De quoi parlaient-ils ? D’un évêque déposé par un concile qui serait rentré de sa propre autorité sur son siége, sans y avoir été rétabli canoniquement ; mais Chrysostome n’avait point été déposé, jamais il n’avait cessé d’être évêque. L’assemblée qui avait prétendu le juger à Chalcédoine n’était point un concile, c’était un conciliabule formé de ses adversaires déclarés ; les évêques fidèles aux lois de l’église avaient fait corps avec lui ; quarante-deux ne l’avaient point quitté pendant son procès illégitime, et soixante-cinq, en restant dans sa communion après les décrets du conciliabule, avaient protesté contre la validité de ceux-ci. D’ailleurs aucune des règles de la procédure ecclésiastique n’avait été observée dans ce prétendu jugement. Chrysostome avait eu beau récuser comme juges certains personnages, ses ennemis reconnus, ils avaient été maintenus dans le tribunal ; les accusations n’avaient point été discutées, on l’avait condamné sans l’entendre, et enfin la sentence de déposition ne lui avait point été signifiée. L’archevêque n’avait été informé de toutes ces choses qu’en recevant d’un officier de l’empereur l’ordre de quitter son église et