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CHRYSOSTOME ET EUDOXIE.


de partir pour l’exil ; un autre officier impérial était venu l’en tirer le lendemain pour le rendre à son ministère. Quels rapports avaient de pareils faits avec le cas prévu par les canons d’Antioche ? Aucun évidemment, et quelle que fût la valeur de ces articles, que d’ailleurs Chrysostome contestait, il n’avait rien à faire avec eux. Quant à cette circonstance que l’évêque Jean aurait sollicité de l’empereur la convocation d’un nouveau concile pour réviser son jugement, si l’on inférait de là qu’il reconnaissait ses premiers juges, on se tromperait. Condamné illégitimement par des évêques ses ennemis, il avait fait un appel régulier à des évêques ses frères pour protester de son innocence devant eux et devant le monde chrétien, confondre la malice des autres, et effacer jusqu’à l’ombre des souillures qu’on avait essayé d’attacher à son nom. En résumé, sa défense consistait en trois points : 1o  les canons d’Antioche étaient des canons hérétiques qu’une assemblée catholique n’avait pas le droit d’invoquer ; 2o  en tout cas, ces canons ne lui étaient point applicables, car il n’avait point été déposé par un concile ; 3o  par la demande de convocation du synode actuel, il avait eu pour but non de se faire rendre des pouvoirs qu’il n’avait jamais perdus, mais de venger son innocence calomniée, obéissant ainsi au strict devoir d’un évêque.

Telles étaient l’attaque et la défense. Le débat s’engagea d’abord devant le concile sur la validité des actes d’Antioche, devenus dès lors tout le nœud de l’affaire. Chaque parti se présenta dans la lice avec ses argumens divers tirés des circonstances historiques du concile, les ennemis de l’archevêque soutenant comme orthodoxes les actes d’une assemblée en majorité catholique, les autres répondant qu’un synode de quatre-vingt-dix membres dans lequel on comptait trente-six hérétiques choisis par le chef de l’hérésie arienne, un synode sur lequel pesait l’influence passionnée de l’empereur, et qui d’ailleurs avait pour mission de frapper le grand Athanase, ne pouvait être qu’un synode hérétique. On soupçonnait même les actes, dont la copie était produite par Théophile, d’avoir été falsifiés. On se disputait, on s’opposait des démentis, on se perdait en subtilités, et le temps s’écoulait sans qu’on décidât rien. Le nom d’Athanase, si vénéré dans tout le monde chrétien, n’était pourtant pas sans produire quelque effet sur ceux des évêques qui n’étaient forts ni en théologie ni en histoire. De l’enceinte du concile, la discussion avait passé dans la ville et dans le palais impérial ; on ne s’abordait plus sans se demander : « Le concile d’Antioche était-il arien, était-il catholique ? » L’empereur lui-même prit part à la dispute, et, quoique autour de lui et de l’impératrice surtout un concile qui servait d’arme pour accabler Chrysostome dût être catholique au premier chef, Arcadius montrait des perplexités qui inquiétèrent les évêques de la cour.