Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/340

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
PHILOSOPHIE ET RELIGION

UN APOLOGISTE CHRETIEN

L’un des plus intéressans spectacles que présente notre temps est celui de l’inépuisable vitalité de quelques hommes illustres qui, sur des théâtres et à des titres divers, occupent encore le premier rang, quoique par les années ils semblent appartenir à un autre âge. Celui-ci, qui, voilà plus de quarante, ans, écrivait l’histoire la plus populaire de la révolution française, dont la jeune et verte polémique chassait du pays les vieux Bourbons, est encore aujourd’hui un des chefs de l’opposition libérale ; chacun de ses discours est un événement, et tout le pays est suspendu à cette parole noble et familière, organe du bon sens et de la liberté. Celui-là fondait la critique de la nouvelle école littéraire et fut comme le Boileau du romantisme (autant du moins que le romantisme pouvait avoir un Boileau) ; puis, de la polémique passant à l’érudition, il réveillait avec une merveilleuse intelligence les ombres endormies de l’austère Port-Royal ; enfin, se renouvelant encore une fois d’une manière plus surprenante, il donnait le rare exemple d’un écrivain qui commence par l’affectation et finit par le naturel, il devenait le chef et le maître de la jeunesse sceptique, comme il avait été le porte-drapeau des générations poétiques et enthousiastes de la restauration. Cette autre plume, féminine et virile à la fois, dont les traits enflammés pénétraient jusqu’au fond des cœurs et y portaient le feu de la passion, cette plume, dont la fougue n’a jamais oublié la noblesse et qui savait conserver le naturel dans l’exaltation et la grâce jusque dans la