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Kara-George et de Milosch reçurent une éclatante consécration. La Serbie continuait à relever de la Porte ; mais ses immunités, ses privilèges, ses droits, étaient placés désormais sous la garantie collective des grandes puissances européennes. Pendant un demi-siècle environ, elle avait été ballottée sans cesse de la Turquie à la Russie, de la puissance suzeraine à la puissance protectrice ; désormais elle pouvait se mouvoir plus librement. « En conséquence, dit l’article 28 du traité de Paris, ladite principauté conservera son administration indépendante et nationale, ainsi que la pleine liberté du culte, de législation, de commerce et de navigation. » L’article 29, il est vrai, contenait certaine disposition qui pouvait devenir, qui est devenue en effet une cause de conflits entre les Serbes et les Turcs ; il maintenait le droit que s’était attribué la Porte de tenir garnison en Serbie. Heureusement l’espérance d’un progrès décisif sur ce point, espérance qui tenait si fortement au cœur des Serbes, ne leur était pas interdite par le traité de Paris. Le protocole n° XIII contenait cet appendice indiqué et maintenu dans le texte définitif : « Sa majesté le sultan s’engage à rechercher, de concert avec les hautes puissances contractantes, les améliorations que comporte l’organisation actuelle de la principauté. » Ainsi plus de suzeraineté défiante occupée dans l’ombre à retirer ses concessions, plus de protection exclusive et intéressée, disait : Je veux que tu vives, je ne veux pas que tu grandisses. C’est dans l’atmosphère de la civilisation européenne que cette terre de Serbie, hier encore héroïquement barbare, est appelée à vivre et à grandir.

Pendant que le gouvernement serbe, guidé par l’esprit national, maintenait ainsi sa ligne en des circonstances si périlleuses, d’utiles réformes s’accomplissaient dans le domaine de la législation. On cite une série de lois édictées sous le règne de Kara-Georgevitch au grand profit de l’ordre et de la sécurité publique. Jusque-là, c’étaient encore les vieilles coutumes qui servaient de règle aux tribunaux, et, quelle que fût la fidélité des Serbes aux traditions de leur pays, on devine à quels abus devait conduire un pareil système dans une société en proie à tant de secousses. Il était bien temps de donner une base solide au droit commun. Ce travail avait été entrepris sous Milosch ; les commissions nommées par le prince Alexandre en réalisèrent la meilleure partie. C’est ainsi que le code de procédure criminelle fut promulgué en 1850, le code de procédure civile en 1853 ; d’autres lois encore, qui appartiennent à la même période, sont signalées comme, ayant mis fin à l’incertitude des justiciables et à l’arbitraire des juges[1]. Comment donc un

  1. Voyez dans le répertoire si riche de M. F. Kanitz (Serbien. Historisch-ethnographische Studien ans den Jahren 1859-1868, Leipzig 1868) l’intéressant chapitre sur la justice, p. 635.