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mouvement s’est étendu dans tous les pays où il y a des Grecs, en Égypte, en Asie, à Constantinople et dans beaucoup de villes de la Turquie d’Europe, En Grèce, à l’instruction des hommes s’est ajoutée celle des filles. Il faut insister sur ce point, car c’est un des traits les plus caractéristiques et en même temps les plus honorables de l’esprit grec. Les Hellènes savent très bien qu’en Orient les femmes chrétiennes, c’est-à-dire libres, doivent, par leur éducation, être placées au-dessus des femmes de harem, être élevées au niveau des femmes d’Occident, être mises en communauté d’idées avec leurs pères, leurs maris et leurs frères. Quand l’instruction de ceux-ci se développe, il faut que la leur s’améliore aussi. On a donc dès 1835 fondé dans Athènes une première école de filles[1]. Cette maison a langui pendant quelques années ; puis, les dons, les legs et les secours d’une hétairie active et intelligente étant venus, on a pu bâtir un grand édifice, y appeler les filles de toute classe, y avoir des pensionnaires pour les familles éloignées, y créer des bourses, y former des institutrices et des maîtresses d’école pour les provinces. Aujourd’hui l’Arsakion est un établissement modèle, très semblable à nos lycées, et où les filles reçoivent une instruction qui ne le cède en rien à celle des garçons. Elles y sont au nombre d’environ neuf cents, divisées en sections et en classes. Tout l’enseignement y est donné par les professeurs de l’université d’Athènes à la satisfaction des mères de famille et aux applaudissemens du clergé. On peut dire qu’il y a là une des forces les plus puissantes et les plus actives de la civilisation dans le Levant.

Il est maintenant nécessaire de mettre au jour, afin qu’on s’applique à le corriger, un vice inhérent à la société hellénique et qui provient du genre d’éducation qu’elle se donne. L’instruction de la jeunesse est entièrement théorique, et les applications de la science n’ont pas encore commencé à s’y produire ; la Grèce, sauf de bien rares exceptions, est dépourvue d’industrie. L’agriculture y a fait des progrès en ce sens que l’étendue des terres cultivées s’est accrue ; mais les procédés ne se sont guère améliorés, le traitement des produits est encore presque partout ce qu’il était il y a trente ans. Il est peu de pays où l’olivier et la vigne croissent avec autant de facilité et donnent des récoltes aussi belles et aussi abondantes. Eh bien ! l’huile est si mal préparée qu’elle ne peut se vendre à l’étranger dans des conditions avantageuses ; le vin a continué d’être assaisonné de résine, procédé venu de Lyon avant l’époque de Plutarque, et qui transforme un jus alcoolique et savoureux en une sorte de vernis. Il y a même eu à l’égard de l’agriculture une

  1. Cet établissement porte le nom d’Arsakion, du nom du fondateur, Arsace.