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voir encore dans ce qui se dit parmi eux qu’un symptôme favorable et une bonne disposition qu’il faut seconder.

Quand les Grecs se mettront résolument à l’œuvre, que l’expérience et les capitaux de l’Europe viendront les aider, on verra leur pays se civiliser, s’enrichir et se transformer en peu de temps ; la Grèce et en particulier Athènes sont dans une des positions géographiques les meilleures de toute l’Europe. Le mouvement général de l’ancien continent suit trois routes principales qui se dessinent de plus en plus nettement, et qui sont déterminées par la direction des fleuves, des montagnes et la forme des rivages. Ces trois routes sont parallèles et vont du nord-ouest au sud-est : c’est ce dont tout le monde peut s’assurer en jetant les yeux sur une carte d’Europe et d’Asie. La première part d’Angleterre et de France, perce les Alpes, descend en ligne droite de Turin à Brindes, traverse la Grèce, la Méditerranée, le canal de Suez, la Mer-Rouge, et par là gagne le sud de l’Inde, l’Australie, la Chine et le Japon. La seconde suit les grands fleuves ; elle part de la Hollande et du Danemark, remonte le Rhin ou l’Elbe, passe à Vienne et descend le Danube jusqu’à l’endroit où il s’infléchit vers le nord ; de là elle s’avance droit vers Constantinople, traverse le nord de l’Asie-Mineure par les vallées du Sangarius et de l’Halys, atteint l’Euphrate, suit le cours fertile de ce fleuve sur une longueur de 300 lieues, et aboutit au Golfe-Persique ; enfin elle gagne par mer l’Indoustan et les bouches de l’Indus. La troisième part de la Baltique, parcourt les immenses plaines de Russie par Moscou et Novgorod, traverse la Caspienne, et, remontant la longue et magnifique vallée de l’Oxus, aboutit aux cols du Caboul, à la porte nord-ouest de l’Inde, éternel chemin du commerce et des invasions.

De ces trois routes, la première est terminée jusqu’au Mont-Cenis, et quand le souterrain de cette montagne s’ouvrira (1871), elle le sera jusqu’à Brindes ; la malle anglaise ira de ce port à Londres en trente heures. Dans l’état présent des choses, les relations ont lieu surtout par mer ; tout le monde sait que Marseille et son chemin de fer doivent leur étonnante prospérité à ce qu’ils font partie de la grande voie méridionale de l’Orient ; bientôt les voyageurs et les marchandises qui exigent un transport rapide s’embarqueront à Brindes.

La voie centrale est encore loin d’être réalisée ; c’est pourtant un des plus pressans intérêts du sultan de l’exécuter. Il y a des compagnies qui travaillent en Hongrie et, dit-on, dans la Turquie d’Europe[1] ; mais il faudrait se hâter, parce que le commerce du

  1. En ce moment, on s’occupe activement de la confection des routes dans le vilayet d’Andrinople, comme cela ressort d’un discours prononcé récemment par le gouverneur de ce pays.