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indigènes. Si la dépense s’élevait à 80 millions, il en resterait au moins 40 dans le pays, c’est-à-dire à peu près cinq fois le numéraire qui circule en Grèce aujourd’hui. Le bien-être des populations s’en ressentirait, et avec lui la sécurité publique et la paix. Quant à Athènes, elle deviendrait en peu d’années le centre effectif de l’hellénisme, et la question d’Orient se trouverait singulièrement allégée. L’Europe entière est intéressée à ce qu’une œuvre de cette nature s’accomplisse ; si les gouvernemens lui prêtaient leur aide, ce serait pour eux la meilleure manière de prouver qu’ils sont vraiment les protecteurs de la Grèce. Les Hellènes doivent faire les premiers pas, et pour cela s’entendre avec le sultan.

Des spéculateurs belges sont venus, il y a quelque temps, proposer au gouvernement grec une autre entreprise, celle d’un chemin de fer qui mènerait d’Athènes et même de Sunium par la Béotie et la Thessalie à Salonique, et qui plus tard se rattacherait aux chemins du Danube. L’affaire serait avantageuse pour les Grecs ; cependant on ne voit pas quel commerce pourrait suivre cette voie, car elle irait droit au nord. Elle serait utile aux provinces danubiennes ; mais le commerce de l’Autriche ne la prendrait pas, et l’Occident moins encore, parce que c’est une voie détournée. Si elle se rattachait à Avlona, il en pourrait être autrement ; pour cela, il faudrait qu’elle franchît le Pinde, dont le col le plus fréquenté est celui de Mezzovo, à 1,225 mètres d’altitude. La compagnie belge parait avoir renoncé à son entreprise.

Enfin l’opinion publique en Grèce se préoccupe fort en ce moment d’un canal qui doit couper l’isthme de Corinthe. Tout le monde est d’accord que ce serait une bonne et féconde entreprise, car elle unirait par mer les deux rivages de la Grèce, elle épargnerait au commerce les dangers et les retards causés par les caps du Péloponèse, elle abrégerait de plus de quatorze heures le voyage de Marseille et de Naples à Constantinople, et de plus de vingt heures celui de Trieste ou de Venise à cette même ville. Le Pirée prendrait une importance nouvelle. A l’heure présente, c’est une des œuvres qui semblent devoir s’exécuter le plus prochainement ; on estime qu’elle coûtera une douzaine de millions, quoique la traversée de l’isthme ne soit que de 5 kilomètres et que la tranchée faite par Néron puisse encore être utilisée. Si les Grecs n’avaient pas honte de se servir de leurs mains, c’est un travail qu’il leur serait aisé de faire sans le secours de personne et à moins de frais que les étrangers : l’état grec a 13,000 soldats presque oisifs, dont la moitié pourrait être employée à ce travail d’utilité publique moyennant une simple augmentation de solde. Les Grecs savent bâtir, ils savent faire les digues, les jetées, les quais et les terrassemens. L’état trouverait