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contre un débarquement possible, contre une alliance vraisemblable de la France et du Danemark, dont elle retient encore les territoires malgré le traité de Prague. Elle aurait, à se tenir en garde sur la frontière de Bohême, peut-être aussi à occuper les provinces annexées pour empêcher des soulèvemens ; mais alors, en présence de toutes ces nécessités de la défense prussienne, les traités militaires que le cabinet de Berlin dans sa victoire a infligés aux états du sud ne sont plus pour ceux-ci qu’un leurre, une charge désastreuse et compromettante. L’Allemagne, au lieu d’être fortifiée, se trouve singulièrement affaiblie. Elle est moins bien garantie qu’elle ne l’était par l’ancienne confédération. Ainsi vont les esprits, et en définitive les intérêts distincts reparaissent, les sentimens s’aigrissent, les antagonismes se réveillent. Nous ne disons pas qu’on recule sur le chemin qui conduit à l’unité, on n’avance pas tout au moins, et la question reste indécise. Il y a toujours un problème dans ces contrées rhénanes si longtemps disputées, où un jeune et patriotique voyageur, l’auteur d’une Visite à quelques champs de bataille dans la vallée du Rhin, a suivi la trace de nos armées de tous les temps, de Condé, de Turenne, de Moreau, de Saint-Cyr. Ces récits, ces souvenirs, qui ne sont pas de la politique, quoiqu’ils y touchent de près et qu’ils y ramènent aisément, ont de la vivacité, du feu, une bonne grâce toute militaire, et surtout on y retrouve le sentiment d’un cœur fidèle à toutes les traditions françaises. C’est ainsi que l’exil s’ennoblit par les études de l’esprit, se conciliant avec les plus généreuses inspirations du patriotisme.

Et maintenant, en dehors de cette Allemagne où s’agite la plus grosse question du temps, une question qui n’est pas près d’être résolue, qui ne le sera peut-être que par la toute-puissance fatale des armes, et à laquelle l’Europe tout entière est intéressée, où en sont les autres pays ? L’Espagne, qui est en ce moment occupée à discuter l’article de la constitution consacrant la forme monarchique, l’Espagne touche-t-elle au terme de ses aventures à la recherche d’un roi ? Il le paraîtrait d’après certains indices. On dirait que les Espagnols ont fait un long détour pour revenir au prince qui dès les premiers, temps de la révolution semblait avoir le plus de chances, au duc de Montpensier. On se hâterait, dit-on, aussitôt après avoir décrété de nouveau l’existence de l’institution monarchique, d’élire le roi destiné à ceindre cette couronne qu’il faudra peut-être défendre. Ce qui est certain, c’est que tout récemment, dans une séance des cortès, le général Prim a renouvelé pour la dixième fois la déclaration qu’une restauration de la reine ou de son fils était impossible, que pour lui personnellement on le calomniait en lui prêtant l’ambition d’une royauté que ses frères d’armes ne l’aideraient certes pas à conquérir ou à soutenir, et l’Espagne en est là.

Si l’Espagne fait quelquefois des révolutions, l’Angleterre fait ses affaires ; elle peut trouver des incidens sur son chemin, elle sait tourner les écueils ou triompher des difficultés. Depuis quelques mois, le par-