Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/574

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’histoire ait conservé un exploit digne de souvenir. Lorsque le comte Guillaume, élu empereur d’Allemagne en opposition avec le grand Barberousse, institua les heimraders du Rhmr sorte de conseil chargé de protéger les populations contre les inondations du fleuve, Harlem eut l’honneur de fournir deux de ses notables à cette institution. Harlem fut le siège de l’ordre des chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem. Quant à la part qu’elle prit à l’œuvre de la délivrance, point n’est besoin de la rappeler ; les détails du fameux siège, une des luttes les plus féroces dont l’histoire fasse mention, sont sans doute présens à toutes les mémoires. Harlem se vante fort à tort, je crois, d’avoir inventé l’imprimerie, et oppose son Laurent Coster à Gutenberg ; mais elle possède la gloire plus certaine d’avoir créé la peinture de paysage : ce sont les yeux de ses fils qui les premiers découvrirent l’existence de la nature et la virent dans sa nudité familière. A tous ces titres de gloire, Harlem en joint un dernier qui lui conserve encore aujourd’hui, toute déchue qu’elle est, une supériorité des plus respectables. Elle a été et est encore, pour ainsi dire, le greffier, le notaire, des actes dignes de mémoire et des grandeurs de la Hollande, et c’est de quoi porte témoignage son hôtel de ville, qui n’est ni plus ni moins que le dépôt des archives historiques des provinces néerlandaises, archives représentées par des images peintes, et continuées sans lacune d’aucune espèce jusqu’au XVIIIe siècle, où commença la décadence de cette ville.

Là se trouvent les portraits des anciens souverains de la Hollande depuis le premier Thierry jusqu’à l’empereur Maximilien, série qui primitivement formait comme une sorte de longue frise de peinture placée dans un couvent de carmélitains et qui fut sauvée des fureurs des destructeurs d’images par les bourgmestres de Harlem, L’ancienne maison dès chevaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem a déposé là aussi toute la série de ses commandeurs pendant deux siècles. Plus loin, un des premiers peintres de la Hollande, Jean van Scorel, élevé du Flamand Jean de Mabuse, nous a transmis les portraits de ceux des chevaliers de Harlem qui avaient fait le voyage de Jérusalem, tous en armure et à la main la branche de palme, insigne antique des pèlerins, puis beaucoup de portraits des princes d’Orange, pour la plupart, il est vrai, des copies, quelques-unes d’après Miereveldt, et un certain nombre de portraits de bourgeois et de bourgeoises historiques, par exemple celui de cette victime du duc d’Albe, Jean Gaal Glaasz, bourgmestre de Harlem. Au milieu de cet amusant et instructif bric-à-brac de la vieille Hollande, intéressant surtout pour l’histoire, deux toiles peuvent attirer particulièrement l’attention des artistes. L’une, la Nuit de Noël, œuvre de Lastman, le