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l’introduction et dans la conclusion de son ouvrage principal[1] ; puis dans une étude encore présente à la mémoire des lecteurs de la Revue[2]. Ces deux écrits le montrent fort éloigné du positivisme. Il s’y défend de l’intention de proscrire les hypothèses et les théories. Il écarte soigneusement le mot d’atome ; mais il emploie volontiers celui de molécules et de forces moléculaires. Il ne supprime nullement les questions métaphysiques. Au contraire, sur l’ensemble dès faits recueillis par la science positive, il fonde et élève l’édifice de la science idéale. On souhaiterait que celle-ci lui parût capable d’arriver à la certitude. C’est beaucoup toutefois que de l’admettre même en la réduisant à la probabilité. D’ailleurs la science des causes a plus d’une fois rencontré juste, puisque M. Berthelot écrit que la chimie « a réalisé sous une forme concrète la plupart des formules de la vieille métaphysique. »

Nous ajoutons, quant à nous, que la plupart des chimistes confirment et au-delà les idées de la métaphysique nouvelle. Voici en effet ce que, d’après les considérations précédentes, on peut dire dès à présent. Ouvertement, comme Faraday, ou sans le savoir et en dépit d’eux-mêmes, les partisans de l’atomisme chimique ont une métaphysique idéaliste. Cette métaphysique attribue ou tend à attribuer à la matière un degré d’idéalité et de puissance que nulle philosophie ne lui avait accordé jusqu’au siècle présent. Je ne vois point de système antérieur à notre temps qui ait conçu une matière à la fois si peu matérielle que celle de Faraday et si énergiquement active que celle de M. Würtz. Il n’y a que la hardiesse de certains penseurs du temps présent qui égale l’audace consciente ou involontaire de quelques chimistes. L’idéalisme spiritualiste de la zoologie et de l’anthropologie actuelles est du même genre que celui des chimistes. L’origine en est la même, et la nouveauté au moins aussi grande.


II

S’il est une science qui paraisse au premier aspect libre d’attaches métaphysiques, c’est l’histoire naturelle. On ne voit pas tout de suite quelle nécessité l’entraînerait au-delà de l’observation pure et simple des faits sensibles. Pour reproduire le tableau des êtres tel qu’il se déroule chaque jour sous nos yeux, elle n’a nul besoin, à ce qu’il semble, de spéculations transcendantes. On se demande en quoi elle pourrait avoir affaire de ce que les sens

  1. La Chimie organique fondée sur la synthèse.
  2. Voyez, dans la Revue du 15 novembre 1863, la Science positive et la science idéale, par M. Berthelot.