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supérieures ne s’y prête que difficilement, la pratique expérimentale démontre que l’épreuve est possible et le plus souvent heureuse sur des quadrupèdes comme le lapin, sur des bipèdes comme le pigeon et la poule. C’est Flourens qui eut l’immortel honneur d’avoir ouvert à la physiologie contemporaine la voie des expériences fécondes et décisives. Ainsi qu’il l’explique lui-même, on avait reconnu de bonne heure que le système nerveux est tout à la fois l’organe par lequel l’animal reçoit ses sensations, l’organe par lequel il exécute ou détermine ses mouvemens, l’organe par lequel il perçoit, pense et veut. Y a-t-il pour chacune de ces fonctions de relation, sensation, perception, entendement, volonté, faculté motrice, un organe spécial et distinct dans l’organisme général du système nerveux ? Tel est le problème que la méthode de Flourens est parvenue à résoudre. De nombreuses expériences démontrent que les trois fonctions, percevoir et vouloir, sentir, mouvoir, diffèrent de siège comme d’effet, et qu’une limite précise sépare les organes qui leur correspondent. Les nerfs, la moelle épinière, la moelle allongée, les tubercules bijumeaux ou quadri-jumeaux, excitent seuls immédiatement la contraction musculaire ; les lobes cérébraux la déterminent par impulsion volontaire sans l’exciter. De plus, dans tout le système nerveux, on fait ressortir la distinction des nerfs moteurs et des nerfs sensitifs par des expériences où l’on engourdit les uns en laissant aux autres toute leur énergie. De même, en enlevant le cervelet à un animal auquel on laisse le cerveau, on trouve qu’il conserve la faculté de percevoir et de se mouvoir spontanément, tout en perdant la faculté de coordonner ses mouvemens. Réciproquement, si l’on enlève le cerveau à un autre animal de même espèce en lui laissant le cervelet, on voit qu’il continue à se mouvoir régulièrement, mais comme un automate, étant privé des facultés de percevoir et de vouloir.

En résumé, le nerf moteur excite directement la contraction musculaire ; la moelle épinière lie les diverses contractions partielles en mouvemens d’ensemble ; le cervelet coordonne ces mouvemens d’ensemble en mouvemens réglés de locomotion ; enfin par les lobes cérébraux l’animal perçoit et veut. « Ainsi, dit Flourens, les diverses parties du système nerveux ont toutes des propriétés distinctes, des fonctions spéciales, des rôles déterminés ; nulle n’empiète sur l’autre. » Peut-on pousser encore plus loin la détermination des organes correspondant aux fonctions de relation ? Peut-on montrer, en pénétrant dans la masse encéphalique, quel est l’organe de l’instinct, l’organe de la sensation proprement dite ? L’expérience « n’est pas muette sur ces points délicats. Non-seulement il y a lieu de distinguer les organes de la sensation des organes du