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concubinage légal. Le législateur français a parfaitement distingué ici la sphère de l’état de celle de l’église. Le contrat constituant la famille est un acte civil dont la loi civile dicte les conditions, et que l’autorité civile constate et consacre. Après cela, les différens cultes sont libres de considérer le mariage comme un sacrement ou comme une cérémonie religieuse, d’accorder ou de refuser leur bénédiction, d’y poser telles conditions ou d’y attribuer telles grâces qu’ils voudront. Seulement il n’y a d’effets civils attachés qu’aux unions contractées conformément au code civil. Répondant à M. Mühlefeld, qui accusait la commission d’être restée, comme toujours en Autriche, à moitié chemin et de faire ainsi de la mauvaise besogne, le député Herbst faisait remarquer qu’il serait difficile de confier l’état civil aux autorités locales, parce qu’on ne trouverait pas partout des fonctionnaires assez instruits pour tenir convenablement les registres. Cette difficulté n’est pas sérieuse, car ce qui est possible en France et en Italie doit l’être en Autriche. Dans toutes les communes ou dans les environs immédiats, on peut trouver soit un notaire, soit un secrétaire communal qui dresserait les procès-verbaux des mariages aussi bien que ceux des délibérations du conseil local. M. Mühlefeld, mort depuis lors, avait si bien raison qu’à la fin de la session dernière on annonçait au Reichsrath qu’on préparait un projet de loi pour l’introduction du mariage civil. Pas à pas, l’Autriche arrive ainsi à affranchir les actes de la vie du lien confessionnel obligatoire, et à donner à l’état le fondement que réclament les sociétés modernes.

Dans la chambre haute, le chevalier von Krauss prouva que la prétention de l’église de régler seule les questions matrimoniales n’était pas conforme à la tradition. Jusqu’à Charlemagne, les souverains ont édicté des lois sur cette matière ; c’est seulement pendant le moyen âge que le clergé a mis la main sur le mariage. L’anathème prononcé par le concile de Trente contre ceux qui contestaient les droits de l’église sur ce point a rencontré de grandes résistances au sein de l’assemblée, et n’est pas considéré comme dogme. Pour montrer à quel point la législation ecclésiastique est peu en rapport avec les idées du monde actuel, l’orateur cite comme exemple ce qui concerne les obstacles au mariage résultant du degré de parenté. Sous Léon III, l’empêchement au mariage fut étendu jusqu’au septième degré, parce que Dieu, ayant créé le monde en six jours, s’était reposé le septième. Sous Innocent III, on s’arrêta au quatrième degré, parce que le corps est composé de quatre fluides, lesquels sont constitués par les quatre élémens. Il est vrai que ces empêchemens se rachetaient au moyen de dispenses ; mais peut-on laisser les populations soumises à des règles qui n’ont pas une base plus sérieuse que celle-là ?