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Au sein de la chambre haute, la discussion fut plus animée et peut-être plus brillante que dans la chambre basse. Des hommes considérables, d’anciens ministres, les chefs du parti féodal, prirent successivement la parole pour combattre des lois qui faisaient brèche au concordat. — Prenez garde, s’écria le comte Blome, quiconque s’attaque à l’église marche à sa perte. On l’a dit avec raison, ecclesia pressa, ecclesia victrix. — Tant de difficultés, tant de périls, assiègent déjà l’Autriche, ajoutait le comte Rechberg, pourquoi en faire naître de nouveaux ? C’est ainsi que s’est perdue la révolution française. La question religieuse est la plus formidable de toutes, craignez qu’elle ne perde aussi l’Autriche. — Le savant professeur Arndts, le prince-cardinal de Schwarzenberg, le cardinal Rauscher, s’efforcèrent de montrer que voter des lois sans tenir compte des articles du concordat, c’était violer la foi des traités, manquer à la parole donnée par l’empereur. — Au milieu de tous ses revers, disait le comte Mensdorff-Pouilly, l’Autriche avait conservé un renom de loyauté sans tache qu’elle va compromettre maintenant. Elle ne pourra même plus dire : Tout est perdu fors l’honneur.

La question soulevée était délicate. Elle intéresse la France et tous les états qui ont conclu des concordats avec Rome. Quelle est la nature d’un concordat ? quelle est la force du lien qu’il crée ? Est-ce un contrat bilatéral liant les deux parties de telle sorte que l’une ne peut s’y soustraire sans le consentement de l’autre ? Lanjuinais a fort bien dit : « Ces sortes d’actes revêtus des formes de la loi, demeurant toujours incomplets, sujets à d’énormes inconvéniens et de leur nature subversifs des droits de l’église et de l’état et de l’indépendance nationale, ne sont jamais que des règles imparfaites, provisoires et révocables. » Un concordat est-il un traité international, comme un traité de commerce ? Évidemment non, car ce n’est pas avec le pape en tant que monarque des états romains, c’est avec le saint-père chef de l’église que le traité a été conclu. Or comment l’état peut-il abdiquer une partie de ses droits souverains en faveur du chef d’un culte, d’une religion ? Une religion n’est qu’une opinion, une croyance partagée par un certain nombre de fidèles ; or les opinions religieuses se modifient. Elles perdent ou gagnent des adhérens. Les catholiques peuvent reconnaître la suprématie du concile œcuménique, ils peuvent aussi se soustraire à l’obéissance du pape. L’état n’en resterait-il pas moins lié envers le saint-père, qui ne représenterait plus que ses propres croyances ? Le pape décrète de nouveaux dogmes, il jette l’anathème sur les lois fondamentales d’un pays : ce pays doit-il continuer à respecter le concordat, quelle que soit l’attitude que prenne le saint-siège, quels que soient les principes qu’il adopte ? Ces traités singuliers, dont les partisans eux-mêmes ne peuvent déterminer la nature, n’étaient