Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 81.djvu/765

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

beauté du dessin. Sous le titre modeste de Derniers beaux jours, effet d’automne, M. Bellel nous donne une vaste et noble composition où les terrains, les rochers, les arbres et le ciel concourent à un effet de grandeur sereine et bienveillante. C’est la nature traitée avec une indépendance magistrale par un dessinateur qui la sait et qui l’aime.

Les Piqueurs de bœufs de M. Didier, qui ne déshonoreraient point un peintre d’histoire, nous promettent un animalier hors ligne. M. Schreyer et M. Otto von Thoren hérissent les chevaux hongrois et valaques avec leur verve accoutumée ; M. van Marcke a le dessin large et vrai, ses bœufs sont vivans ; un peu plus de finesse, et tout ira bien, M. Mélin est toujours le peintre sans rival de l’espèce canine depuis l’abdication de M. Jadin ; cependant M. de Balleroy et dans un genre plus intime M. Claude sont véritablement peintres de chasse, et M. Cathelinaux expose des terriers bien souples et bien vifs. M. Palizzi, après une longue absence, reparaît entouré de moutons bondissans et de chèvres fantasques : c’est plaisir que d’aller aux champs derrière un berger de tant d’esprit. M. Lepic, qui gravait à vingt ans des eaux-fortes surprenantes, débute avec succès dans la peinture décorative. Son Roi des Landes a grande tournure, et le trophée de la chasse au loup fait un digne pendant.

Entre les peintres de la nature morte, la dispute du premier rang n’a jamais été si vive qu’aujourd’hui. Tandis que M. Blaise Desgoffe oppose la précision croissante de son dessin et le serré de sa facture à l’ampleur éclatante de M. Vollon, tandis que M. Brunner-Lacoste, M. Maisiat, M. Eugène Petit, livrent bataille à M. Philippe Rousseau sur le terrain de ses victoires, Mme Éléonore Escallier, très longtemps inconnue ou méconnue, se révèle par un succès. Elle a l’éclat, elle a la grâce, elle a la facture large et puissante, et par-dessus tout le reste elle dessine une fleur comme une figure, en artiste classique et en digne élève de Ziégler. Enfin dans un tout autre genre, mais sans sortir de la nature morte, un jeune homme inconnu, M. Servin, se montre observateur très fin, bon peintre et savant coloriste. Voyez le tableau bizarre qu’il intitule le Puits de mon charcutier.

L’exposition des dessins et des aquarelles permet à la plupart des peintres d’éluder le règlement en exposant quatre ouvrages au lieu de deux ; aussi compte-t-elle plus de 750 numéros cette année. Nous y retrouverions, en cherchant bien, tous les artistes que nous avons nommés, avec les mêmes qualités et les mêmes défauts. Je n’y veux signaler que les dessinateurs exclusifs qui n’exposent point de peintures à l’huile : M. Bida, le premier de tous ; M. Paul Balze,