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groupe et se coordonne sous sa plume de manière à nous, convaincre et nous charmer. Die Lehre von den Tonempfiudungen est un livre qui, à part la valeur intrinsèque, brille aussi par de grandes qualités de style ; elles subsistent encore, quoiqu’un peu moins apparentes, dans la traduction française.

M. Helmholtz pose en principe que la construction des gammes et des formes harmoniques, loin de résulter avec nécessité de l’organisation de notre oreille, est essentiellement une invention de l’art. Les lois naturelles de l’audition y jouent à la vérité un rôle important ; mais, comme les peuples ont bâti avec les mêmes pierres des édifices de caractères très différens, nous voyons aussi les mêmes propriétés de l’oreille servir de base aux systèmes musicaux les plus divers. Depuis Terpandre et Pythagore, l’humanité a travaillé à développer le système qui s’enseigne aujourd’hui dans nos écoles, et ce sont précisément les compositeurs les plus distingués qui lui ont fait subir les modifications les plus profondes. Qui oserait affirmer aujourd’hui que le dernier mot a été dit à cet égard ?

Notre système musical est né tout entier du besoin d’introduire une liaison nettement appréciable entre les divers sons d’un morceau. C’est le sentiment de l’affinité mélodique des sons successifs qui s’est développé en premier lieu ; on a connu tout d’abord les intervalles de l’octave et de la quinte, beaucoup plus tard seulement les tierces. M. Helmholtz s’attache à prouver que le sentiment de la mélodie repose essentiellement sur la perception des harmoniques qui accompagnent les sons considérés. Tout son musical a un timbre particulier, et ce timbre n’est autre chose qu’un cortège de notes supérieures, échelonnées au-dessus de la note fondamentale comme les nombres 2,3,4… montent au-dessus de l’unité. Ces notes (octave, douzième, double octave, etc.) sont les harmoniques ; elles complètent en quelque sorte la note fondamentale, lui donnent de l’ampleur et du caractère. Si maintenant deux sons musicaux ont plusieurs harmoniques en commun, on comprend sans peine que l’oreille puisse découvrir entre eux une vague ressemblance, une sorte de parenté, qui nous paraîtra d’autant plus étroite que les harmoniques coïncidens seront plus accentués. Ces notes concomitantes sont perçues par les nerfs de l’oreille sans que nous en ayons conscience ; nous ne les entendons que si nous avons l’habitude d’y faire attention, ou si nous armons notre oreille d’une espèce de cornet accordé pour la note qu’il s’agit de découvrir ; elles n’en sont pas moins la cause de la sensation du timbre et du sentiment de l’affinité mélodique des sons musicaux. C’est cette affinité qui a déterminé les intervalles et qui a conduit à la création des nombreuses gammes dont l’histoire de la musique garde le souvenir.

Au moyen âge, on a commencé à utiliser aussi les affinités harmoniques qui se révèlent dans la consonnance des sons simultanés. Elles reposent encore essentiellement sur l’existence des notes concomitantes ;