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raison. Je ne dis pas qu’ils auront quelque chose de mieux à offrir, mais devant l’autorité qui décrète ses dogmes ce n’est pas un motif suffisant de soumission. Ils diront qu’un infini réel, qui n’est infini que sous certains rapports, comme puissance productive, comme fondement de ce qui existe, mais qui est borné pour le reste, n’est pas un véritable infini. Ils ajouteront qu’un idéal de perfection qui possède toutes les qualités, excepté l’existence réelle, est un très médiocre idéal, bien pauvre, bien imparfait, et que ce n’est pas la peine de se mettre en frais d’adoration pour une conception vaporeuse. Que de protestans il y aurait contre une église qui enseignerait un tel dogme ! Quelle force ils emprunteraient à cette loi de l’esprit humain qui cherche l’unité de toutes choses, cette loi qui a fait les philosophies, qui exige de la pensée qu’elle remonte jusqu’à l’union de l’idéal et du réel dans l’absolu, et qui ne permettra jamais à l’esprit de se reposer au sein d’un dualisme quelconque !

Assurément je n’oserais jouter en théorie métaphysique avec un penseur de la force de M. Vacherot ; mais, faut-il l’avouer ? tout en refusant de souscrire aux anathèmes du positivisme contre les ambitions généreuses de la métaphysique, nous connaissons assez l’histoire de la pensée humaine pour être imbu d’un scepticisme invincible en face de tout système métaphysique complet. Il est trop évident que les métaphysiques n’ont qu’un temps, que les systèmes qui ravissent le plus les contemporains décèlent à la génération suivante leurs contradictions et leurs défauts ; une expérience historique de ce genre rend nécessairement soupçonneux à l’endroit des métaphysiques nouvelles, de celles surtout qui laissent non satisfaite une des réclamations permanentes de l’âme humaine. Cette âme, qu’on ne l’oublie pas, a la vie bien autrement dure que les systèmes. C’est même ce qui nous rend si défîans vis-à-vis du positivisme lui-même. Lui aussi, il passera, comme tout en ce monde, non sans laisser derrière lui des vérités, avant lui méconnues ou négligées, dont l’avenir profitera. Lui aussi succombera devant l’impatience de l’esprit humain, qui ne se laissera pas longtemps incarcérer dans le fini, la classification pure, et dont aucune puissance au monde ne paralysera jamais l’insatiable curiosité. Si, par exemple, M. Vacherot eût dit : En prenant la raison pour guide unique, nous arrivons d’un côté au principe infini des réalités, principe réel lui-même, mais insondable, de l’autre à l’idéal de perfection qui reluit dans l’âme, qui constitue le dernier terme de l’être à nous connu, dont nous ne pouvons toutefois constater que l’existence subjective, non réelle ; maintenant y a-t-il un rapport substantiel, de cause directe à effet direct, entre ce rayonnement de la perfection spirituelle qui éclaire tout homme venant au monde et le principe