Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/1005

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

des monts son joug était devenu graduellement si odieux que l’état de choses antérieur était universellement regretté. On sait quel est en temps de révolution la vivacité de l’explosion des sentimens populaires, et l’on devine ce que durent éprouver en cette occasion les inflammables habitans de la ville éternelle. Est-il besoin de dire qu’ils firent à Pie VII une réception enthousiaste? Au pont Milvio, la foule détela les chevaux de sa voiture, où le pape, par une attention délicate, avait fait monter le doyen du sacré-collège, le cardinal Mattei, et l’ancien prisonnier de Fenestrelle, le cardinal Pacca. Trente jeunes gens des familles les plus distinguées de Rome traînèrent le carrosse pontifical jusqu’à Saint-Pierre. Pie VII versait d’abondantes larmes de joie, dit le membre du sacré-collège à qui nous empruntons ces détails. L’émotion fut extrême sur tout le parcours du cortège; elle parvint à son comble lorsque le vénérable pontife, descendu de voiture, se mit à gravir lentement, d’un air radieux, les degrés de la magnifique basilique de Saint-Pierre. La foule entière des fidèles, qui, avec une furie toute méridionale, poussait vers le ciel mille acclamations frénétiques, éclatait en même temps en sanglots. Cette scène touchante, qui avait pour théâtre la place du Vatican, se passait le 24 mai 1814. Peu de temps auparavant, le 20 avril, la cour de Fontainebleau avait été témoin d’un autre spectacle qui avait eu aussi son émotion et sa grandeur. Elle avait entendu les vieux soldats de la garde impériale saluer de leurs vivat énergiques le glorieux chef auquel ils avaient été fidèles toute leur vie, dont la voix toujours obéie les avait si souvent conduits à la victoire, et qui maintenant, humilié et vaincu, descendait, la figure contractée et d’un pas rapide, les marches du palais où il venait de signer son abdication. Elle avait vu des pleurs mal retenus sillonner les visages de ces héros de tant de champs de bataille, peu habitués à coup sûr à s’attendrir, mais incapables de maîtriser leur douleur alors qu’ils recevaient les adieux de celui qui avait si longtemps personnifié pour eux l’honneur de la patrie et la foi au drapeau.


IV.

Arrivé au terme de cette série d’études, trop longue peut-être, qui a exigé un certain nombre de recherches et nous a coûté quelque labeur, les réflexions se pressent en foule dans notre esprit; nous nous les interdirons toutefois. Ainsi que nous l’avons dit en commençant, nous ne nous sommes point proposé de soutenir, sous couvert du passé, une thèse qui nous soit propre sur cette question des rapports de l’église et de l’état qui agite et qui partage la génération présente. Produire des documens nouveaux, rectifier les erreurs accréditées, suppléer au silence, peut-être intéressé, des principaux acteurs