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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/1006

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que nous avons essayé de mettre en scène, poursuivre la vérité avec passion, n’émettre au contraire sur les personnes et sur leurs intentions que des jugemens froids et équitables, tel a été le but de nos efforts. Qu’il résulte des événemens racontés dans ce travail des enseignemens qui pourraient être mis à profit pour aider, sinon à la solution théorique, du moins à l’apaisement pratique des querelles du jour, nous le croyons d’autant plus volontiers qu’à notre sens il s’agit moins pour les partis opposés de s’accorder en doctrine, ce à quoi ils n’arriveront jamais, que de se comprendre, s’ils le peuvent, et en tout cas de se supporter les uns les autres. Ce n’est point affaire de discussion, on a suffisamment discuté; ce serait plutôt affaire de conduite et de mesure. Pendant les années qui s’écoulèrent entre la conclusion du concordat et la chute de l’empire, quels excès de conduite de la part de l’état, et de la part de l’église quelle absence de mesure! En si peu de temps, que de contrastes! Au début, quelle intimité! à la fin, quelle scission! Voilà sur quoi feraient bien de méditer dans l’un et l’autre camp les partisans d’une alliance trop intime entre ces deux grands pouvoirs. En mettant sous leurs yeux des scènes plus détaillées et plus précises que ne le comportent les histoires générales, nous avons souhaité les mettre surtout à même de consulter un peu l’expérience, qui est, après tout, de quelque utilité dans les affaires de ce monde; mais nous nous garderons d’aller plus loin, ayant appris par l’usage de la vie qu’il ne convient pas de vouloir rien apprendre aux autres, et que personne n’aime dans ce monde à se voir faire sa part. Les leçons les meilleures seront toujours en effet celles que l’on se donne à soi-même.

Avant de prendre définitivement congé de nos lecteurs, peut-être ne trouveront-ils pas mauvais que nous leur disions quelques mots du sort ultérieur des personnages dont ils ont fait avec nous l’intime connaissance, et pour lesquels nous serions heureux de leur avoir inspiré quelque intérêt. A coup sûr, ils ne seront point surpris d’apprendre que, pendant le reste de leur vie, placés dans des situations toutes nouvelles, en présence de circonstances très différentes, ils restèrent la plupart parfaitement semblables à eux-mêmes, car en somme, et tout bien considéré, il se trouve que le fond du caractère des hommes est beaucoup moins changeant que le cours mobile des événemens. La destinée de M. de Broglie en offre un singulier exemple. En arrivant dans son diocèse le 24 mai 1814, il avait rencontré tout le clergé et la plus grande partie de la population de sa ville épiscopale qui venaient, palmes en main, à sa rencontre. La joie était grande parmi ce troupeau fidèle qui se félicitait de voir son pasteur rentrer enfin de l’exil comme un autre saint Hilaire. L’admiration avait redoublé quand le prélat, au lieu