Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/1028

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

autochthones, puis les mélanges produits par des immigrations, des invasions, des colonisations qui ont altéré le type primitif, de même la botanique moderne devra analyser la flore d’une région et y reconnaître les descendans des végétaux fossiles et les effets des immigrations, des disparitions, des émigrations, résultats nécessaires des changemens correspondans de la surface du sol et des conditions climatériques du pays.

Personne n’était mieux préparé que M. Schimper pour doter notre pays d’un grand traité de paléontologie végétale. Botaniste, paléontologiste, zoologiste et géologue, M. Schimper est un des naturalistes les plus complets que nous possédions. De belles publications sur les végétaux vivans et fossiles, de nombreux voyages, l’examen répété des collections françaises et étrangères, une érudition peu commune, l’ont mis dans les conditions voulues pour élever un pareil monument. C’est un architecte qui a déjà montré sa valeur par des œuvres partielles témoignant d’une connaissance approfondie des matériaux existans et de la manière de les employer. Ces essais préliminaires sont une préparation indispensable pour écrire un traité général avec cette compétence qui ne s’acquiert que par des recherches spéciales et des travaux originaux. Celui qui a fait ainsi ses preuves est classé dans l’estime des naturalistes contemporains, il possède leur confiance, son nom est une autorité, et pendant longtemps le traité dont il est l’auteur reste le manuel de ceux qui savent et le guide de ceux qui veulent apprendre. C’est le caractère des bons traités généraux de ne vieillir qu’avec la science qu’ils résument, bien différens de ces traités éclos sous des plumes novices, écrits par des hommes instruits, intelligens, doués d’une certaine facilité d’assimilation, mais qui n’ont point, avant de les commencer, ajouté une seule pierre à l’édifice de la science. Ceux-ci, et il y en a malheureusement beaucoup, rédigent des traités qui déjà sont arriérés le jour où ils paraissent. Rejetés avec dédain par les juges compétens, ils sont lus avec méfiance même par ceux qui ne le sont pas. Ce sont ces œuvres légères qui propagent des erreurs réfutées depuis longtemps, entretiennent des préjugés surannés, donnent une idée fausse de la science qu’elles veulent enseigner, et arrêtent le progrès intellectuel au lieu de le servir. Tels ne sont pas les traités de paléontologie animale de M. J. Pictet et de paléontologie végétale de M. Schimper : tous deux caractérisent une époque dans la science des corps organisés fossiles, tous deux sont un point de départ pour des conquêtes nouvelles.


CH. MARTINS.


C. BULOZ.