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élevée, l’air était moins humide et le sol plus sec que pendant la période houillère. Certaines cycadées (cycas, dion, encephalartos) ont des analogues vivans qui croissent sur le flanc des montagnes de l’Afrique australe, de l’Asie orientale, du Mexique et de l’Australie. Les conifères ont remplacé les fougères; mais le caractère général de la flore est toujours bien différent de celui de la végétation qui pare aujourd’hui notre globe. Celle-ci commence, pour ainsi dire, à l’époque crétacée avec l’apparition d’arbres semblables à ceux qui forment les forêts de l’Europe, des chênes, des saules, des lauriers, des myrtes, des érables, des tilleuls, des alaternes. Le nombre des genres et des espèces va toujours en augmentant à mesure qu’on s’élève dans les terrains tertiaires, elles formes deviennent de plus en plus semblables à celles dont nous sommes entourés. Au milieu des débris de feuilles conservés dans le sein de la terre, le géologue retrouve l’empreinte des insectes qui habitaient ces forêts disparues, quelquefois même des os de mammifères lui permettent de reconstituer les grands animaux qui paissaient sous leurs ombrages. La température était d’ailleurs encore plus élevée et plus uniforme qu’à présent. M. de Saporta nous montre qu’à l’époque tertiaire la végétation du midi de la France ressemblait à celle des Canaries et du cap de Bonne-Espérance. M. Heer nous prouve que le Spitzberg et le Groenland, dépourvus aujourd’hui de toute végétation arborescente, étaient couverts de forêts aussi touffues que celles de la Californie et de l’Amérique du Nord.

Des millions d’années s’écoulent de nouveau, le noyau incandescent de la terre achève de se refroidir, la surface terrestre n’est plus échauffée que par la chaleur qu’elle reçoit du soleil. La flore tertiaire se retire des deux pôles pour se concentrer à l’équateur, de nouvelles formes apparaissent et se mêlent aux formes anciennes, des migrations végétales ont lieu de l’Asie vers l’Europe, comparables à la grande invasion des peuples aryens, la surface terrestre se modifie lentement, mais incessamment, et nous nous trouvons en présence du monde organique actuel, continuation et perfectionnement de ceux qui l’ont précédé. Certaines formes fossiles ont persisté, la plupart ont péri; mais déjà la science commence à les distinguer : elle reconnaît que les flores actuelles n’ont pas le même âge; celles de l’Australie, du Japon, de l’Amérique du Nord, sont antérieures à celle de l’Europe; aussi l’hypothèse d’une création subite et simultanée des animaux et des végétaux aujourd’hui vivans, telle que nous la trouvons dans les traditions judaïques, n’est-elle plus scientifiquement soutenable. La période géologique dans laquelle nous vivons est la continuation et la conséquence de celles qui se sont déroulées avant elle, comme les événemens auxquels nous assistons sont la suite nécessaire de ceux qui les ont préparés. De même que l’historien analyse la population d’un pays et y retrouve successivement les habitans