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l’origine touranienne de ses habitans et à l’union du spirituel et du temporel dans la personne du tsar ; mais le jour ne semble pas éloigné où elle sera elle-même entraînée sans retour dans le mouvement général du monde.

La chute des orthodoxies est plus ou moins accélérée par des causes dont l’action varie avec les milieux. La race est encore une de ces causes. Il y a en effet des races humaines sur lesquelles la science a peu de prise, et même dont les idées religieuses ne s’élèvent pas bien haut. Dans la partie nord-est de la Russie, le christianisme est une pure idolâtrie ; la science non plus n’y a pas encore pénétré. Il n’en est pas de même dans le sud-ouest de cet empire, et cette différence n’est pas due seulement au voisinage des peuples civilisés, elle est due surtout à la différence des races, l’est étant habité par des races touraniennes et l’ouest par des Aryas. Les fellahs d’Égypte et les peuples qui habitent au sud de ce royaume appartiendront longtemps à des orthodoxies, parce qu’ils sont peu capables de science. Il en sera de même de tout le sud de l’Indoustan, occupé par des races éthiopiennes ou dravidiennes qui ne sont pas plus aptes à comprendre la loi de la gravitation que la théorie du Brahma neutre et indiscernable. Au contraire les races progressives et surtout celle des Aryas, à la tête desquelles marchent la France, l’Angleterre et l’Allemagne, tendent à s’affranchir de leurs orthodoxies respectives, à effacer leurs différences par l’abandon du passé, à s’unir dans la science et la liberté, aidées par les applications qu’elles savent en faire. Nous les voyons suivies dans leur marche par une foule d’autres nations de même origine ou de races mêlées, et le mouvement qu’elles impriment aux idées tend à se propager par toute la terre.

Il est aisé de comprendre que l’abandon des orthodoxies commence toujours par les classes élevées, c’est-à-dire instruites, puisque le savoir, qui affranchit un homme de l’orthodoxie, le range en même temps dans ces classes ; mais la science possède, elle aussi, l’enseignement comme moyen d’action, et aux rites sacrés correspondent chez elle les applications qu’elle fait de ses théories : par ces deux voies, elle descend des hommes supérieurs à ceux que leur capacité ou les circonstances de la vie ont élevés moins haut, et par degrés elle pénètre jusqu’aux derniers rangs du peuple. Telle est la marche progressive de la science ; la retraite des idées orthodoxes s’opère dans la même proportion.

La fixité des formules orthodoxes est pour elles une troisième cause d’abandon. Cette immobilité les empêche de suivre les transformations sociales qui s’opèrent en dehors d’elles, soit dans la théorie, soit dans la morale et dans les applications de celle-ci.