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de police et se soient transportés sur les lieux, cinq ou six heures se sont écoulées. Or, si le coupable est un homme intelligent et alerte, s’il est servi par des circonstances favorables, il ne lui faut pas plus de temps pour être au Havre et peut-être à bord d’un navire en partance.

Qui ne connaît les sergens de ville ? Qui ne les a vus stationner sur les boulevards pour mettre un peu d’ordre dans le défilé des voitures, se promener lentement dans nos rues, monter la garde devant leur poste ? Qui n’a remarqué leur uniforme, composé en hiver d’une longue capote et en été d’un frac disgracieux, au collet duquel apparaissent en broderies d’argent le numéro de leur division, la lettre de la brigade et un chiffre qui, leur étant particulier, permet de faire remonter jusqu’à eux la responsabilité de leurs actes. Tous, ou peu s’en faut, sont d’anciens sous-officiers, sortis de l’armée avec des états de service irréprochables. Il n’y a pas de corps qui se recrute, je crois, avec plus de précautions minutieuses. Nul n’en peut faire partie, s’il n’a donné des preuves de sa moralité et de sa sobriété. La discipline, malgré une forme extérieure assez large, est très sévère. Deux infractions aux règlemens dans la même année, deux cas d’ivresse par exemple, entraînent l’expulsion. Cette rigueur peut sembler excessive ; elle n’est que légitime, et elle doit servir de frein à des hommes, qui sont dépositaires d’une autorité limitée, mais encore considérable, l’indice apparent de leur mission et du pouvoir qu’ils représentent est une épée à poignée de cuivre marquée aux armes de la ville de Paris. Bien des gens s’élèvent avec une certaine chaleur contre cette arme confiée aux sergens de ville, et qui le plus souvent demeure inoffensive au fourreau. Le jour où ils seront désarmés, les malfaiteurs deviendront leurs maîtres, et nos rues verront d’ignobles luttes à coups de poing et à coups de pied. La vue seule de l’épée est un réfrigérant pour bien des colères et a paralysé plus d’une velléité de résistance. On a souvent proposé de leur donner le bâton des policeman anglais, qui, dit-on, n’est qu’un emblème d’autorité : emblème à tête de plomb qui tue un homme aussi sûrement qu’un coup de feu, casse-tête orné, il est vrai, du chiffre de la reine et de la devise « honni soit qui mal y pense ; » mais casse-tête redoutable qui dans les bagarres donne lieu à des contusions infailliblement mortelles.

On n’entre pas d’emblée dans ce corps d’élite mi-parti civil et militaire ; il faut un apprentissage qui dure près d’une année, pendant laquelle on est admis à titre d’auxiliaire avec une paie fixe de 3 francs par jour. Si au bout de ce temps d’épreuves nul reproche n’a été adressé au candidat, il est nommé sergent de ville, et il