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destiné à toute sorte d’usages. Ces prisons sont infectes, de plus elles sont tellement glaciales qu’il est cruel d’y laisser séjourner quelqu’un pendant les nuits d’hiver. Les terrains coûtent cher à Paris ; il est donc bien difficile de donner aux postes de police l’espace qui leur serait nécessaire pour répondre aux besoins qu’ils sont destinés à satisfaire ; néanmoins, et fût-ce au prix d’un sacrifice, il y a lieu de modifier ces geôles, de supprimer le vase sans nom qui en empeste l’atmosphère et d’y ouvrir une bouche de chaleur qui leur ferait une température supportable. Les êtres qu’on y renferme, malandrins, filous, filles publiques et voleurs, ne sont point fort intéressans, on peut en convenir ; mais, si ce n’est par commisération, que ce soit du moins au nom de la civilisation dont nous sommes les représentans et dont tous nos actes envers qui que ce soit qu’ils se manifestent, doivent porter l’empreinte. Aussi qu’arrive-t-il ? Les sergens de ville, à moins qu’ils ne soient en présence d’énergumènes exaspérés, font venir les prisonniers dans le poste pendant les heures de grand froid, et les laissent se réchauffer autour du poêle. Lorsqu’ils ont affaire à des enfant égarés, abandonnés ou même coupables, le côté sentimental des vieux troupiers ne tarde point à se montrer. Le pauvre petit diable est roulé dans un manteau, couché sur un matelas, et souvent il passe là une bonne nuit tiède et réconfortante, comme il n’en a pas eu depuis longtemps. En tout cas, jamais, sous aucun prétexte, on ne réunit dans le même cachot les enfans et les hommes.

Le nombre des vagabonds, des mauvais sujets incorrigibles que les sergens de ville ramassent tous les soirs et consignent dans leurs postes est considérable, car les rondes qu’ils sont obligés de faire sont combinées d’une façon très ingénieuse. Le quartier dévolu à leur surveillance, est divisé en zones déterminées qui doivent être incessamment visitées par eut. Ils vont deux à deux, marchant sur les trottoirs et parfois s’enfonçant tout à coup dans une ombre portée où ils restent immobiles, guettant autour d’eux et prêts à courir où leur présence est nécessaire ; dans les endroits mal habités, fréquentés par les vide-goussets et les coupeurs de bourse, dans les parages des maisons en construction, des terrains vagues qui offrent de faciles abris aux chercheurs d’aventures, la petite patrouille des deux hommes est ordinairement précédée par deux agens vêtus en bourgeois, dont le costume ne donne pas l’éveil ; ce système produit de bons résultats et permet parfois de faire des captures importantes. Tout fait anormal remarqué par les hommes de ronde est inscrit au livre des rapports. La collection de ces documens doit être une lecture des plus curieuses ; c’est l’histoire de Paris heure par heure, minute par minute.

Indépendamment des 3,864 sergens de ville répandus dans Paris,