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voitures publiques, fiacres, omnibus, coupés, sont connus ; on sait le numéro qui leur a été assigné, la compagnie qu’ils servent, la remise qu’ils occupent. Il en est de même des commissionnaires ; ils ne peuvent exercer leurs multiples fonctions qu’après avoir obtenu l’autorisation de la préfecture, qui leur indique un lieu habituel de stationnement et leur délivre une médaille qu’ils doivent toujours porter d’une manière apparente. A la fin de décembre 1868, il existait à Paris 2,024 commissionnaires ; ils ont avec la préfecture une relation fort lointaine, il est vrai, mais qui permet cependant de les retrouver avec certitude. Les passeports, qui aujourd’hui sont devenus facultatifs, étaient un puissant moyen d’investigation ; les livrets, qui vont, dit-on, bientôt disparaître, aident singulièrement aussi à la surveillance des filous. Si la mesure qui doit les supprimer est adoptée, c’est qu’elle était probablement devenue nécessaire ; mais en la proposant on ne paraît pas avoir réfléchi à ce fait très simple, que la préfecture ne peut jamais refuser un livret à un ouvrier et qu’un patron peut toujours refuser un certificat. Les hommes qui sont chargés de veiller au maintien de la propriété et de l’existence de Paris, qui pourchassent les malfaiteurs jusque dans leurs repaires les mieux cachés, gémissent et s’indignent toutes les fois qu’on leur enlève un de ces instrumens de recherches qui, entre leurs mains, sont les organes du salut commun.

Lorsque j’ai fait une étude sur les voitures publiques à Paris, j’ai parlé en détail du dépôt, vastes docks où l’on garde pendant un an et un jour les objets trouvés dans les rues, dans les fiacres, les omnibus, les wagons, les garnis, les théâtres, les cabarets et les cafés. Ce pandémonium où tout se côtoie, le collier de perles oublié dans une loge d’opéra et le vieux parapluie laissé contre un comptoir de cabaret, donne de précieux renseignemens, lorsqu’on sait y regarder avec méthode. Bien des objets qu’on croit perdus ont été volés et bien des objets qu’on croit volés ont été perdus. Aussi, dès qu’une déclaration de vol est transmise à la préfecture, on va au dépôt, et souvent on y retrouve l’objet signalé ; de même lorsqu’on vient réclamer un objet égaré, si on ne le rencontre pas au dépôt et si les circonstances recueillies donnent lieu à quelques doutes, on commence une enquête, et bien souvent on arrive à la constatation d’un vol, constatation qui permet de suivre régulièrement l’affaire et fréquemment de livrer des coupables à la justice. Pour ne point trop s’égarer dans ces dédales du crime où la diversité des espèces et la quantité des individus créent des difficultés qui parfois semblent insurmontables, il faut connaître d’une manière absolument précise les antécédens de tous les malfaiteurs. C’est à quoi la préfecture de police parvient avec une sûreté