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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/187

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dont la justice et la police ont eu à s’occuper, de telle sorte que, si un homme de cinquante ans ayant commis un vol a été jadis, à l’âge de huit ans, arrêté en vagabondage, il arrivera devant les juges avec la preuve et le procès-verbal de ce premier délit. Les dossiers sont catalogués par cartes, selon l’usage adopté ; mais il y a autant de cartes qu’il y a de plaignans, d’inculpés et de complices, de façon qu’un seul nom suffit parfois pour remettre sur la trace de méfaits oubliés. Toute plainte formulée à Paris pour un crime ou pour un délit quelconque est dirigée sur la préfecture, et selon qu’elle énonce un fait acquis ou seulement un soupçon, qu’elle désigne une personne connue ou inconnue, elle donne lieu à des mesures différentes. Quand un vol est dénoncé purement et simplement, sans qu’on puisse en nommer les auteurs, on examine les circonstances extérieures du crime, on en détermine l’espèce, et l’on prévient le service de sûreté afin que, mettant ses inspecteurs en campagne et interrogeant ses indicateurs, il puisse apporter quelque jour dans cette obscurité. Si les auteurs du vol ne sont que soupçonnés, on les enveloppe à leur insu d’une surveillance secrète ; ils sont en filature, c’est-à-dire qu’ils ne font ni un pas ni une démarche sans être suivis de près ; on s’attache surtout à étudier s’ils ne se livrent point à des dépenses anormales, si rien n’est changé à leur genre de vie ordinaire ; lorsque leur existence, ou incertaine ou modifiée, semble corroborer les soupçons, ils sont arrêtés et remis à la justice, qui décidera de leur sort. Lorsque les auteurs sont connus et qu’ils avouent, tout est simplifié, et les tribunaux sont saisis ; lorsqu’ils persistent à nier, on fait une enquête qui serre la vérité le plus près possible ; on réunit tous les élémens de probabilité, on ordonne des recherches dans les lieux que les inculpés ont habités, et l’on assemble ainsi un faisceau de preuves. Cette partie de l’administration est considérable, et quoiqu’elle ne soit en rapport avec les malfaiteurs que par les quinze ou vingt mille pièces, — procès-verbaux, commissions rogatoires, — qu’elle reçoit annuellement, elle n’a pas moins sur leur sort une influence très importante. Si elle n’accomplit pas l’œuvre suprême de la justice, elle la prépare, et lui fournit tous les matériaux sur lesquels elle peut, en toute sécurité de conscience, appuyer ses décisions.

Les renseignemens donnés par la préfecture de police relativement au personnel détenu dans les prisons, par le ministère de la marine en ce qui concerne les bagnes et les colonies pénitentiaires, par le ministère de la justice pour ce qui regarde les condamnations par défaut, sont centralisés au ministère de l’intérieur, et servent à composer un document qui facilite singulièrement l’arrestation des coupables. C’est un cahier d’une soixantaine de pages environ