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enfans d’abord et qu’on appelle les premiers, pour les enlever à la captivité du dépôt. Tous ceux qui ont fui la maison paternelle dans un moment de dépit, ou poussés par un de ces besoins subits d’indépendance comme les jeunes cervelles en éprouvent parfois, et qu’une nuit au poste a singulièrement refroidis pour cette liberté malsaine, arrivent fort penauds, se grattant la tête à deux mains et pleurant à chaudes larmes. Il n’est pas difficile de les consoler, mais parfois il n’est point aisé de calmer le père, qu’on a fait venir, qui déclare qu’il ne veut plus d’un bandit pareil et qui brutalement dit : Qu’il aille se faire pendre ailleurs ! On y parvient cependant en faisant vibrer les cordes qui ne se détendent jamais complètement dans les cœurs paternels. Souvent c’est un enfant égaré que les sergens de ville ont recueilli pour sa propre sûreté. D’autres fois, — trop souvent, — l’enfant n’est pas seulement égaré, il a été perdu intentionnellement par des parens mauvais ou trop pauvres, qui se débarrassent ainsi d’une bouche à nourrir. C’est ordinairement le jour même du déménagement que ces abandons criminels se commettent. On va à la demeure indiquée par l’enfant, il n’y a plus personne, et nul ne sait ce que le père est devenu. Alors le pauvre petit est dirigé sur l’hospice des enfans assistés, où il trouve un abri et des soins quotidiens qu’il ne connaissait peut-être pas encore. Lorsqu’au lieu d’enfans ce sont des gens âgés que les années doublées par les infirmités rendent incapables d’un travail qui pourrait leur assurer le pain quotidien, on cherche dans leur famille, dans leurs amis, s’il n’existe pas quelque bonne âme qui consente à s’en charger, on fait appel aux sociétés charitables, avec lesquelles la police entretient des rapports constans, et, si toutes les démarches sont infructueuses, le vieillard est conduit à la maison hospitalière de Saint-Denis, où du moins il attendra la mort sans souffrir de la faim. Lorsqu’un détenu du dépôt, vagabond ou criminel, est atteint d’une maladie qui exige des soins immédiats, il est envoyé d’urgence et consigné dans un des hôpitaux de Paris, au vif désagrément de l’assistance publique, qui ne paraît pas avoir un goût excessif pour ce genre de pensionnaires. Quant aux vagabonds proprement dits, ils ne sont pas tous Parisiens ou Français ; il en vient de chaque partie du monde, et le cabinet du chef de service a vu successivement défiler non-seulement des Belges, des Anglais, des Allemands, mais aussi des Persans, des Chinois et des Tatares de Bockarie.

Le délit parfois a pour cause première l’ivresse, et ne mérite autre chose qu’une semonce ; à quoi bon en effet déshonorer un homme, lui nuire auprès de son patron, le mettre peut-être, à cause d’une condamnation éventuelle, dans l’impossibilité de trouver du