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lettre à M. Schneider, discours de Châlons, discours de Beauvais, et au milieu de tout cela M. de Persigny s’agitant de son mieux, ayant, lui aussi, son commerce épistolaire, se laissant entrevoir en se dérobant dans sa retraite, ce n’était pas assez ou c’était trop. Qu’entendait l’empereur en parlant à M. Schneider de la conciliation « d’un pouvoir fort avec des institutions sincèrement libérales ? » Quelle était sa pensée lorsque récemment, au camp de Châlons, il saisissait l’occasion de l’anniversaire de la bataille de Solferino pour réchauffer chez nos soldats les ardeurs de l’esprit militaire, pour leur parler de nos guerres comme du triomphe de la civilisation ? On aurait pu longtemps remuer ces questions, passer d’un discours à une lettre sans être plus avancé. Enfin l’ouverture du corps législatif est venue, et nous commençons à sortir des nuages, nous abordons un terrain plus solide. M. Rouher lui-même, en constatant la récente manifestation électorale, en observant toutefois que l’étude des résultats politiques de cette manifestation ne pouvait être précipitée, M. Rouher a ajouté ces mots qui sont un engagement : « À la session ordinaire, le gouvernement soumettra à la haute appréciation des pouvoirs publics les résultats et les projets qui lui auront paru les plus propres à réaliser les vœux du pays. »

Voilà donc qui est bien clair et officiellement constaté : les élections récentes sont une manifestation sérieuse dont le caractère n’est point méconnu. On veut éviter les précipitations compromettantes, mais on se tient prêt à mûrir les résolutions qui doivent répondre aux vœux du pays. C’est le gouvernement lui-même, on le voit, qui précise la question dans des termes tels qu’ils deviennent une obligation publiquement contractée. « Réaliser les vœux du pays, » nous le savons bien, c’est justement ce qu’il n’est jamais aisé de définir, ce qui est un champ de bataille toujours ouvert entre le gouvernement et l’opposition. Ce qui est certain dans tous les cas, ce qui ressort de toute une situation créée non-seulement par le dernier mouvement électoral, mais par un travail continu depuis plusieurs années, par une série d’incidens publics, c’est la nécessité de régulariser cette renaissance de l’opinion, de lui tracer un cours, c’est l’impossibilité de prolonger une apathique et énigmatique indécision dont le gouvernement au reste serait le premier à souffrir. De toute façon maintenant il faut serrer cette situation de près, et c’est le moment plus que jamais de se souvenir de ce mot, qu’il est plus sûr de marcher à la tête des idées de son temps que de leur résister ou de se laisser traîner à leur suite. Sans doute, encore une fois, ce n’est point chose facile de dégager un système de conduite, une politique précise, d’une manifestation vague par elle-même, qui se compose d’instincts indéfinis, de malaises, d’aspirations confuses ; qu’on interroge cependant d’un esprit sincère les faits saillans, les courans d’opinion, les signes les plus sensibles, on sera tout au moins mis sur la voie de ces