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actes et de ces résolutions qui peuvent désintéresser le pays dans ses vœux ou dans ses volontés légitimes. Ainsi il est bien clair aujourd’hui que le vœu essentiel du pays, c’est de reprendre possession de lui-même de rentrer d’une façon plus active et à tous les degrés de la hiérarchie politique dans l’administration de ses affaires. Les élections dernières n’ont aucun sens, pu elles signifient que le pays veut désormais de l’indépendance dans ses représentans, des garanties dans le jeu de ses institutions, de la sévérité dans le maniement de ses intérêts et de ses finances, de l’efficacité dans le contrôle. Il tient à ne point rester étranger aux inspirations et aux démarches qui peuvent décider de ses destinées en l’engageant dans toutes les entreprises.

Ce que le pays, en un mot, désire visiblement aujourd’hui, c’est la substitution graduelle, régulière, d’un régime de libre et sérieuse délibération aux conseils solitaires et omnipotens d’un pouvoir discrétionnaire absorbant en lui toutes les forces publiques. Sans doute, les événemens contemporains le montrent assez, ce pouvoir discrétionnaire ou personnel, comme on voudra l’appeler, qui est toujours plus ou moins la dictature, peut se produire par accident dans certains momens de fatigue et d’atonie sociale ; il n’est point une institution normale et permanente. Il peut se faire illusion à lui-même et faire illusion aux autres tant qu’il a des succès, tant que le vent souffle dans ses voiles ; le jour où les succès diminuent, où les fautes se succèdent, où les erreurs accumulées attirent l’attention, ce jour-là le déclin inévitable a commencé pour lui. Dès qu’il est mis en question, il n’a plus sa raison d’être ; le pays, réveillé en sursaut, s’inquiète de ses fautes, et lui-même, malgré tous les dehors d’une confiance tranquille, il se sent ébranlé. Il arrive bien vite à cette condition étrange où il se démoralise parce que rien ne lui réussit plus, comme on dit, où il a tous les inconvéniens de son omnipotence sans en avoir les avantages : il a toutes les responsabilités, et il n’a plus les mêmes moyens d’action ; il garde encore l’apparence de l’unité, et au fond il est divisé, tiraillé dans ses conseils ; il hésite sur le choix des hommes et sur la direction des choses ; il est livré aux influences contraires, et il finit en vérité par recevoir le dernier coup de M. de Persigny, qui Lui reproche d’être irrésolu et inactif. Cela veut dire simplement qu’il se sent dépaysé dans une situation nouvelle.

Cette nécessité de la transformation du pouvoir personnel, les esprits clairvoyans la pressentaient sans doute depuis bien des années, et le gouvernement lui-même, pour parler avec justice, semblait la comprendre, puisqu’il se dessaisissait de quelques-unes de ses prérogatives en élargissant le cadre des discussions publiques ; seulement il croyait peut-être avoir encore du temps devant lui, il procédait avec lenteur. Les élections sont venues précipiter les choses. Si le gouvernement, sans attendre le scrutin qui allait s’ouvrir, eût parlé au pays et eût tracé de-