création de cette nomenclature chimique qui règne encore dans notre enseignement classique. La série des combinaisons oxygénées occupait le premier rang dans la nomenclature, comme dans les idées de Lavoisier ; elle avait servi de modèle pour les autres. Les composés les plus simples de l’oxygène sont les acides et les oxydes ; deux mots servent à les exprimer, le premier indiquant le genre de la combinaison ; le second (ordinairement un adjectif) désignant le métal ou le métalloïde qui est uni à l’oxygène ; ainsi on dit acide sulfurique, oxyde de plomb ou oxyde plombique. Pour exprimer les divers degrés d’oxydation d’un seul et même corps, la nomenclature recourt à des artifices ingénieux : elle emploie des préfixes tirés du grec ou du latin, ou bien elle modifie la terminaison de l’adjectif. C’est ainsi qu’elle dit : protoxyde et bioxyde de plomb, — protoxyde et peroxyde de manganèse, — acides hypo-sulfureux, sulfureux, sulfurique. Deux mots servent de même à désigner les sels ; le premier marque le genre, déterminé par l’acide, l’autre l’espèce, déterminée par la base métallique. C’est ainsi que sulfate de plomb veut dire combinaison d’acide sulfurique et d’oxyde de plomb. Ces règles, établies d’abord en vue des corps oxygénés, furent appliquées par analogie aux composés que le soufre et le phosphore forment avec les métaux, et on les étendit avec plus ou moins de facilité à tous les corps inorganiques ; mais ce n’est point ici le lieu d’entrer dans les détails de la nomenclature chimique, il nous suffit d’en avoir rappelé le principe. Ce principe ne fut pas d’abord admis sans résistance. Saisie du travail des quatre réformateurs, l’Académie ne le reçut qu’avec beaucoup de réserve. « Le tableau des corps qu’on nous présente, disait le rapport académique, est l’ouvrage de quatre hommes justement célèbres dans les sciences ;… ils ne l’ont formé qu’après avoir bien comparé sans doute les bases de la théorie ancienne avec les bases de la théorie nouvelle. Ils fondent celle-ci sur des expériences belles et imposantes ; mais quelle théorie réunit jamais les savans par un concert de plus belles expériences, par une masse de faits plus brillans que la doctrine du phlogistique ? Ce n’est pas en un jour qu’on réforme, qu’on anéantit presque une langue déjà entendue, déjà familière même dans toute l’Europe, et qu’on lui en substitue une nouvelle d’après des étymologies ou étrangères à son génie ou prises souvent dans une langue ancienne déjà presque ignorée des savans, et dans laquelle il ne peut y avoir ni trace ni notion quelconque des choses ni des idées qu’on doit lui faire signifier. » Malgré la froideur de l’Académie, on sait quels services a rendus la nomenclature et quelle clarté elle a introduite dans l’histoire de la chimie. Et d’abord elle contribua puissamment au triomphe des idées
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