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recherches et ses premières tables, qui introduisirent dans les analyses chimiques une précision jusqu’alors inconnue. Berzélius avait admis sur les atomes l’idée fondamentale de Dalton ; mais il avait été frappé aussi des découvertes de Gay-Lussac, et il fut ainsi conduit à donner un tour particulier à la notion des atomes. Dalton disait qu’un atome d’hydrogène et un atome d’oxygène se réunissent pour former une molécule d’eau ; mais, afin de tenir compte de la loi de Gay-Lussac, il fallait admettre que la molécule d’eau renferme, avec un atome d’oxygène, deux atomes d’hydrogène. On devait dès dors considérer l’atome d’hydrogène comme étant moitié moindre que ne l’avait imaginé Dalton, et c’est ce que fit Berzélius. C’est là un fait des plus importans dans l’histoire de la chimie, car il est l’origine d’une sorte de schisme qui s’est introduit dans la science et qui y règne encore. Une divergence a commencé dès lors à s’établir entre la notion des poids atomiques et celle des équivalens, qui jusque-là étaient absolument confondues. Les atomes de Dalton étaient les plus petites parties des corps qui entrassent en combinaison, et Wollaston les avait appelés des équivalens parce que ces parties se remplaçaient les unes les autres dans les composés. Poids atomiques, poids équivalens, étaient donc synonymes. Il n’en était plus de même pour Berzélius ; dans les molécules d’eau, il faisait entrer deux atomes d’hydrogène, et l’équivalent de ce gaz était ainsi le double du poids atomique.

Cette distinction se traduisait nettement dans la notation chimique dont Berzélius avait adopté l’usage. L’emploi d’une sorte de langage écrit est en effet, comme nous l’avons dit, un des principaux services que le grand chimiste suédois ait rendus à la science. Les alchimistes désignaient les corps qui entraient dans les réactions par des symboles conventionnels, des figures de fantaisie souvent bizarres. Dalton avait proposé un système de notation rationnel. Il représentait les atomes par de petits cercles qui encadraient des marques caractéristiques pour chaque corps simple ; ceux de l’hydrogène renfermaient un point, ceux de l’azote une barre, ceux du soufre une croix ; les cercles de l’oxygène étaient entièrement blancs, ceux du charbon entièrement noirs ; ceux des métaux portaient au centre la lettre initiale du nom de chacun d’eux. Dalton groupait sur le papier ces petits cercles atomiques de façon à reproduire une sorte de figure des molécules : c’était ingénieux et clair ; mais cette notation devenait vite encombrante, et elle était d’ailleurs bien arbitraire, car elle procédait d’une idée préconçue sur l’arrangement des molécules. Berzélius représenta les atomes par des lettres, initiales des noms latins des élémens : O signifiait un atome d’oxygène, H un atome d’hydrogène, K un