est sorti un ensemble de doctrines qui embrasse la chimie tout entière. La période dans laquelle nous entrons peut être caractérisée par les deux noms de Laurent et de Gerhardt. Ces deux noms sont inséparables. Non-seulement Laurent et Gerhardt ont lutté pour les mêmes principes, mais il y a dans leur destinée une sorte de conformité fatale. Tous deux sont morts jeunes, épuisés par les difficultés de l’existence et sans avoir obtenu de leur vivant la célébrité que méritaient leurs travaux. Laurent, né en 1807 à la Folie, près de Langres, suivit comme élève externe les cours de l’École des mines, et fut nommé en 1831 répétiteur des cours de chimie à l’École centrale des arts et manufactures. En 1838, il fut envoyé comme professeur à la faculté des sciences de Bordeaux ; mais bientôt, lassé de la vie de province, il revint à Paris, et il obtint en 1848 une place d’essayeur à la Monnaie. C’est dans cette position modeste qu’il mourut en 1853. Gerhardt naquit à Strasbourg en 1816. Il s’initia à la chimie sous les auspices de M. Liebig, qui faisait à Giessen un cours justement célèbre dans le monde entier ; arrivé à Paris vers 1838, il travailla dans le laboratoire de M. Chevreul. C’est à cette époque qu’il devint l’élève et l’ami de Laurent. Ils se prêtèrent un mutuel appui, et, tout en conservant chacun leur originalité propre, en s’attachant à des travaux distincts, ils jetèrent ensemble les semences fécondes des théories qui arrivent seulement aujourd’hui à s’emparer de l’attention des savans, Laurent, passé maître dans l’art difficile des expériences, était aussi habile à découvrir les faits qu’ingénieux à les interpréter. Moins patient et moins subtil, Gerhardt se distinguait par une puissante faculté de généralisation ; c’était l’homme des théories d’ensemble et des vues synthétiques. Il eut d’ailleurs les défauts de ses qualités ; absolu dans ses idées et peut-être aigri secrètement par l’infériorité d’une position qui n’était pas en rapport avec ses talens, il poussa souvent à outrance la réaction contre les doctrines courantes. Gerhardt mourut en 1856 ; il était alors depuis peu professeur à la faculté des sciences et à l’école de pharmacie de Strasbourg.
Il y a à prendre et à laisser dans l’œuvre de Laurent et dans celle de Gerhardt. Ils ont agité une foule de questions, préoccupés surtout d’ouvrir des voies nouvelles, mais obligés souvent, au cours de leurs travaux, de modifier leurs propres idées et de revenir sur leurs pas. Une exposition complète de leurs doctrines serait un travail pénible et nécessairement confus. Ce n’est point d’ailleurs ce que nous avons à faire ici. Il nous suffit de marquer leur passage par quelques traits, d’indiquer quelles ont été leurs inspirations les plus heureuses, celles que leurs successeurs ont plus particulièrement mises à profit. À ce titre se présente d’abord la théorie des noyaux, inaugurée par Laurent et qui est pour nous son principal