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combinaisons, on doit reconnaître que c’est là de notre part une prudence bien naturelle, et l’avenir montrera si notre théorie, convenablement étendue et corrigée, ne peut pas s’appliquer à beaucoup de cas avec lesquels elle semble encore en contradiction. — Mais quoi ! disaient les adversaires de l’idée typique, vous avez donc la prétention de connaître l’arrangement de tous les atomes dans les molécules ? — Eh non ! répondaient les novateurs ; seulement l’expérience tout aussi bien que le raisonnement nous enseigne que dans un système moléculaire tous les atomes n’exercent pas les uns sur les autres la même attraction. Quand l’équilibre de la molécule est troublé et qu’elle vient à se rompre, elle se sépare en groupes naturels qui mettent en évidence les attractions différentes. Nous nommons ces groupes des radicaux composés et nous les faisons figurer comme des membres séparés et distincts dans les formules typiques. Est-ce à dire que nous prétendions indiquer la position réelle des atomes ? affirmons-nous que ces membres isolés représentent des groupe-mens réels qui occuperaient dans la molécule la place qu’on leur assigne dans la formule ? Ce n’est point là précisément ce que nous disons. Nous voulons marquer seulement que, sous le coup d’un ébranlement, d’une cause externe qui divise la molécule, ces groupes d’atomes viennent à se manifester ; cela n’implique à la rigueur aucune hypothèse formelle sur la situation antérieure de ceux-ci.


IV

Nous venons d’esquisser l’histoire de la théorie des types jusque vers l’année 1860. Gerhardt en avait été le principal promoteur ; mais elle s’était généralisée et précisée dans les années qui suivirent sa mort. Il nous reste à montrer comment cette théorie, prenant une forme nouvelle, est devenue la doctrine de l’atomicité. Ici nous rencontrons des noms nouveaux, ceux de MM. Odling et Hoffmann en Angleterre, de M. Kékulé en Belgique ; mais surtout nous allons avoir à mettre en lumière la part considérable que M. Wurtz a prise à cette évolution de la science chimique. On peut dire que la théorie de l’atomicité est devenue essentiellement française, et nos jeunes chimistes lui ont donné depuis quelques années un grand éclat ; elle les a conduits à un nombre considérable de résultats brillans. M. Wurtz est à la tête de cette école française. On lui doit d’abord les deux découvertes les plus importantes qui aient signalé ces vingt dernières années : l’une, celle des ammoniaques composées, qui a marqué, comme nous l’avons vu, la naissance de la théorie des types ; l’autre, celle des glycols, dont nous constaterons tout à l’heure la haute importance. Ces découvertes hors ligne ont valu à