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radical, ce même sulfuryle, si l’on veut, pourra chasser un atome d’hydrogène de chacune des deux molécules et souder les deux résidus. Il donnera ainsi naissance à l’acide chlorosulfurique, et c’est là ce qu’on appelle un type mixte[1]. Dans cet ordre d’idées, rien n’empêche d’aller plus loin encore. Au lieu de considérer deux molécules d’eau, on peut en considérer trois et imaginer qu’un radical unique vienne les réunir toutes les trois en remplaçant un atome dans chacune d’elles ; on aura ainsi un type condensé d’ordre supérieur. Il est une remarque qu’on ne manquera pas de faire ici. Ces types condensés et ces types mixtes nous fournissent de nouvelles bases de classification ; mais de plus ils comportent une idée nouvelle qu’il y a lieu de mettre en lumière. Qu’est-ce que ces radicaux qui ont le pouvoir de souder deux ou même trois résidus de molécules ? Quelle est cette propriété en vertu de laquelle certains corps viennent d’un coup se substituer à plusieurs atomes dans des molécules différentes ? Ici nous touchons à la dernière phase par laquelle a passé la chimie, et nous pouvons voir poindre dans les faits qui viennent d’être cités la théorie toute contemporaine de l’atomicité. C’est ce que nous aurons occasion d’indiquer explicitement dans un instant.

Les objections et les critiques n’ont pas manqué à la théorie des types, Les uns l’accusaient d’aller trop loin, de dépasser de beaucoup les faits ; les autres lui reprochaient d’être insuffisante et de se montrer impuissante à embrasser un grand nombre de combinaisons. Entre ces deux critiques, les fondateurs de la théorie des types ont pu trouver un terrain solide pour se défendre. Sans doute, répondaient-ils, les théories offrent souvent le danger de dépasser les faits, et il y a lieu d’appliquer la nôtre avec prudence ; mais n’est-elle pas assez riche déjà de résultats obtenus ? Cette notation si claire que nous avons adoptée et qui met en relief les différentes parties de la molécule n’a rien d’arbitraire, elle n’exprime que des phénomènes maintes fois vérifiés, et l’expérience a jusqu’ici confirmé les inductions que nous en avons tirées. Que si on nous reproche de laisser hors de nos cadres un grand nombre de

  1. On se fera une idée plus nette de ces types condensés et de ces types mixtes, si nous écrivons les formules relatives aux exomples que nous venons de donner :
    H - H : O ; H - H : O : deux molécules d’eau
    H - SO2 - H : O2 : acide sulfurique (type condensé)
    H - H - H - Cl : O : une molécule d’eau et une molécule d’acide cholérhydrique
    H - SO2 - Cl : O : Acide chorosulturique (type mixte)