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saturation, qui en est inséparable. Notez d’ailleurs que le phénomène dont nous parlons est indépendant de l’intensité avec laquelle la réaction a lieu, de ce qu’on appelle ordinairement l’affinité chimique. Une question de forme intervient ici et détermine le nombre des atomes qui peuvent se joindre à un élément. Veut-on nous permettre de recourir à une représentation grossière pour mieux nous faire comprendre ? Aussi bien M. Hoffmann, un des propagateurs de la théorie atomique, emploie souvent ce mode de figuration dans des leçons publiques. Il représente par des boules de différentes couleurs armées de bras plus ou plus nombreux les atomes des différens corps simples susceptibles de contracter des combinaisons plus ou moins complexes. L’atome d’hydrogène est ainsi une petite boule blanche armée d’un seul bras. Des boules rouges à deux bras figurent l’oxygène ; les boules de l’azote sont bleues et pourvues de trois bras. Enfin des boules noires à quatre bras représentent le carbone tétratomique. Qu’à chacun des deux bras d’une boule rouge on ajoute une boule blanche, et l’on aura une représentation de l’eau ; aucun bras n’étant libre, on dit que le corps est saturé. On figurera de même le gaz des marais en fixant une boule blanche à chacun des quatre bras de la boule noire ; ici encore la molécule est saturée. On peut imaginer d’ailleurs qu’un des bras de la boule noire reste vide ; alors on aura une molécule non saturée, une molécule inachevée, qui ne demandera qu’à se compléter d’une manière quelconque. Que si maintenant le bras que nous avons supposé libre reçoit une boule d’oxygène, l’atome de carbone sera saturé ; mais l’oxygène, n’ayant employé qu’un de ses bras à cet assemblage, en conservera un autre disponible, et la molécule ainsi ébauchée disposera, comme disent nos chimistes, d’une atomicité qui demandera à se satisfaire[1]. On voit ainsi s’ouvrir toute une perspective de groupemens dans lesquels les corps se trouvent entés les uns sur les autres au moyen des bras disponibles.

On nous pardonnera d’avoir eu recours à ce procédé pour donner un premier aperçu de l’atomicité ; mais, ce résultat obtenu, il faut se hâter de renoncer à l’idée des atomes armés de bras. Il y aurait un véritable danger à la conserver, car quelques personnes pourraient être tentées d’y chercher les élémens d’une représentation réelle de la forme atomique, et ce serait aller contre la pensée des

  1. C’est encore là un usage spécial qu’on fait du terme atomicité, prenant en quelque sorte la partie pour le tout.