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indiqué tout à l’heure, les alcools diatomiques devaient leur propriété au radical éthylène : ce radical, diatomique lui-même, servait à souder deux molécules appartenant au type de l’eau[1]. D’où venait d’ailleurs au radical cette propriété ? Il fallait, pour en trouver l’origine, remonter aux corps simples, aux élémens qui formaient ce radical. Nous voici ainsi ramené à l’atomicité des élémens, en présence de laquelle nous nous trouvions déjà tout à l’heure et que nous aurions pu, comme nous le disions, aborder sans autre préambule. En commençant par donner quelques indications sur les alcools, on ne peut pas dire que nous ayons fait un détour, car nous avons suivi l’ordre même des faits. La notion de l’atomicité s’est en effet introduite dans la science par trois degrés successifs. On a commencé par découvrir des combinaisons polyatomiques ; tel a été le premier pas. En second lieu, on a rattaché les propriétés de ces corps à l’atomicité des radicaux qui les formaient. Enfin, dans une troisième période, on a étendu aux élémens eux-mêmes la notion que l’on avait d’abord appliquée aux radicaux. On a procédé ainsi des faits complexes aux faits simples, et nous n’avons pas besoin de faire remarquer que c’est la marche que suit le plus souvent l’esprit humain. Les idées simples et générales ne se présentent pas tout d’abord ; elles ne sont d’ordinaire que le couronnement d’une théorie.

On se rappelle à quel point nous avait conduits la théorie des types. Nous avions mis quatre types en relief, et nous avions constaté que l’hydrogène, l’oxygène, l’azote, le carbone, sont nettement différenciés entre eux par la propriété qu’ils ont de s’unir à des nombres différens d’atomes d’hydrogène. En généralisant ce fait, nous dirons que l’hydrogène est monatomique, l’oxygène diatomique, l’azote triatomique, le carbone tétratomique. Qu’un atome d’oxygène soit placé au milieu d’une atmosphère d’hydrogène, dans les conditions où la combinaison est possible, il prendra deux atomes pour se saturer ; l’azote, soumis à la même épreuve, en prendra trois. Ici, comme on le voit, en cherchant à préciser la notion élémentaire de l’atomicité[2], nous rencontrons celle de

  1. La formule du glycol ordinaire peut ainsi s’écrire :
    H - C2H4 - H = 02, en partant de H - H : O ; H - H : O
    C2H4 remplaçant deux atomes d’hydrogène de façon à former une molécule condensée.
  2. C’est peut-être ici le cas de faire remarquer qu’on eût pu choisir un terme plus heureux que celui d’atomicité. Il constitue une sorte d’amphibologie. On admet avec Dalton l’existence d’atomes, et il semble que le terme d’atomicité doive embrasser tout ce qui se rapporte à cette hypothèse ; mais les chimistes contemporains l’appliquent spécialement à la propriété qu’ont les divers atomes de se saturer respectivement par des nombres différens d’autres atomes. Il paraîtrait préférable de caractériser cette propriété par une expression plus précise. Toutefois nous ne voulons rien changer au langage établi.