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ÉTUDES ET PORTRAITS
DU
SIÈCLE D’AUGUSTE

V.
TROIS CÉSARS D’AVENTURE.

Si les peuples épris de l’unité politique veulent savoir à quels périls est exposée une capitale qui concentre sans mesure la vitalité d’un pays, si les nations épuisées par leurs armées permanentes veulent comprendre le danger des grands commandemens, l’histoire de Rome leur offre cette leçon. La leçon est courte, mais éclatante. Trois empereurs en moins de dix-huit mois sont jetés successivement sur le trône et successivement emportés. Sans titres au pouvoir suprême, sans racines dans l’état, sans projet d’affranchissement pour leur patrie, sans conviction à défendre, sans excuse devant la mort, ils ont été le jouet des événemens autant que de leur propre ambition. Semblables à l’écume qui signale la crête des vagues furieuses et s’affaisse aussitôt, ils ont été les représentans éphémères de l’anarchie des provinces et de la démagogie militaire. Se confiant à ces forces déchaînées quand ils pouvaient rester au rivage, préférant les aventures à leur devoir de citoyen, corrupteurs des soldats ou lâches devant eux, ils sont devenus justement responsables de tous les excès qu’ils ont provoqués ou qu’ils n’ont pas empêchés. Tacite a résumé avec sa sobriété terrible les maux causés par cette série de convulsions. « J’essaie,