La marche de Galba vers l’Italie fut donc lente et ensanglantée. Il était infirme et se faisait porter en litière. Il imposait de grosses amendes à toutes les villes qui ne se déclaraient pas assez vite pour lui, en faisait abattre les murailles, mettre à mort les commandans et les procurateurs avec leurs femmes et leurs enfans. Il dispersa et décima, grâce à sa cavalerie, les soldats de marine que Néron avait appelés d’Ostie, et qui venaient au-devant de lui pour obtenir le maintien de leurs nouveaux privilèges. Enfin les Romains, qui restèrent dans l’attente pendant plusieurs semaines, eurent le temps de passer de l’espoir à la tristesse et de regretter leur entraînement des premiers jours vers Galba. On racontait de lui des traits d’avarice et de cruauté ; on rappelait le soldat qu’il avait condamné jadis à mourir de faim en Afrique, parce qu’il avait vendu sa ration ; on citait le changeur auquel il avait fait couper les mains en Espagne, le tuteur infidèle qu’il avait fait mettre en croix, bien qu’il fût citoyen romain. Enfin il n’avait pas encore atteint les portes de Rome, et déjà en pleine paix il avait versé des flots de sang. Le sénat avait appris avec joie que Galba se déclarait son lieutenant, les chevaliers respiraient, les honnêtes citoyens se promenaient dans les rues portant ce fameux bonnet d’affranchi qui est devenu dans les temps modernes le bonnet de la liberté ; mais la multitude pleurait Néron, mais les prétoriens étaient mécontens, inquiets, ils n’étaient contenus que par les magnifiques promesses des amis de Galba et par le don de joyeux avènement (donativum) qu’ils faisaient briller à leurs yeux. C’était donc avec une véritable anxiété que la population de Rome se portait sur la route au-devant de son nouveau maître. Depuis sept ans, on ne l’avait point vu ; la vieillesse n’avait pu que l’affaiblir, le séjour parmi les barbares n’avait pu qu’altérer son humeur, ses traits mêmes seraient-ils reconnaissantes ? Les esprits étaient partagés entre la curiosité, la crainte et le dédain. Voici le spectacle qui s’offrit aux regards.
Un vieillard de taille moyenne, d’une grande maigreur, complètement chauve, les mains et les pieds tordus par la goutte au point de ne pouvoir ni écrire ni marcher, était porté dans une litière. Les années l’avaient marqué de leur empreinte la plus énergique, et une excroissance monstrueuse au flanc droit était contenue à grand’peine par des bandages. Les traits annonçaient un caractère sévère jusqu’à la cruauté, économe jusqu’à l’avarice, et l’estomac triste d’un gros mangeur, mais non d’un gourmand. Le nez, busqué au milieu de sa courbe[1], plutôt crochu qu’aquilin, ce que les Latins
- ↑ Consultez les monnaies frappées sous Galba, qui offrent une identité incroyable de type, les pierres gravées, notamment celles du cabinet des médailles de Paris, qui sont d’accord avec les monnaies, enfin le buste du Louvre, qui, par la conformité qu’il présente avec les monumens gravés, montre combien les artistes contemporains avaient facilement saisi des traits accusés, osseux, où l’expression même était un résultat de la construction ; ils ont seulement inventé et ajouté des cheveux ras, par convenance officielle.