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irrités encore : plus de plaisirs, plus de présens, plus de fêtes, plus d’influence. Tout est glacé par un vieillard morose, économe, qui n’aime point les femmes, — qui aime tout le contraire, s’il est vrai qu’il aime encore quelque chose.

Que dire des légions ? Étonnées, puis soumises, bientôt déçues, elles ne cachaient point leur indignation. Elles n’avaient reçu ni récompense ni don de joyeux avènement, selon l’usage consacré par les césars. Condamnées à garder éternellement les frontières, elles n’obtenaient même pas les largesses propres à adoucir leur exil et à récompenser leur fidélité. L’armée du Rhin envoyait même des émissaires aux prétoriens de Rome. « L’empereur élu en Espagne nous déplaît, disait-elle, nommez-en un autre, nous acceptons d’avance votre choix. » Et comme ce choix se faisait attendre, elle se préparait à proclamer Vitellius : le jour des kalendes de janvier, elle avait déjà refusé l’obéissance, et n’avait voulu prêter serment qu’au sénat.

Les prétoriens enfin étaient autant d’ennemis pour Galba. Lorsque l’empereur était arrivé avec son escorte d’Espagnols, de Gaulois et de légions recueillies sur la route, il n’avait pas besoin des prétoriens. Ils avaient laissé tomber Néron, ils avaient conspiré avec Nymphidius ; ils étaient donc à la fois suspects et inutiles. Un homme énergique eût profité de l’occasion pour les dissoudre et délivrer Rome de cette plaie ; le vieil empereur les maintint en les irritant. Il licencia la cohorte des Germains, dont le dévoument aux césars était éprouvé, ne ratifia aucune des promesses que ses amis avaient faites en son nom aux prétoriens, renvoya les soldats ou les centurions qui s’étaient le plus compromis, sans se concilier ceux qu’il laissait dans le camp, resserra la discipline, repoussa les réclamations, dénia toute largesse, ajoutant cette belle parole, digne d’un autre temps, mais qu’il fallait être prêt à soutenir par la force : « j’enrôle mes soldats, je ne les-achète point. »

Or, quand les discours sont sans effet, ils ne servent qu’à compromettre ; quand les intentions ne sont point appuyées par des actes, elles ne sèment que le mépris. Cette sévérité des anciens âges était détruite par d’indignes faiblesses ; cette honnêteté d’habitude était effacée par les abus de son entourage et par une maladresse sénile. Rien n’était moins politique que d’annoncer une rigueur qui n’avait ni application ni suite, et de réprimer au dehors des excès qu’on tolérait dans le palais. Les vertus même de Galba, stériles et surannées, le rendaient odieux au peuple romain.

C’était la conséquence fatale d’une première faute. Si Galba voulait réformer les mœurs, rétablir la discipline dans les armées, la probité dans l’administration, la légalité dans le gouvernement,