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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/346

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maison d’Auguste, elle y porte la confusion. La garde s’y replie ; on délibère ; Galba n’a pas renvoyé encore toutes les légions qui sont accourues des frontières pour le conduire à Rome ; il compte sur elles, leur expédie des officiers sûrs et attend, les portes closes. Les légions d’Illyrie campaient sur le forum d’Agrippa : elles reçoivent à coups de javelots le messager de l’empereur. Les détachemens venus de Germanie campaient sous les portiques qu’on appelait l’Atrium de la liberté, ils refusent de marcher. Quant aux soldats de la flotte, que Galba avait fait décimer, ils saisissent leurs armes et courent se joindre aux partisans d’Othon.

Rome entière est en émoi : les citoyens remplissent les places publiques et les rues ; tous questionnent, tous attendent, personne n’agit. Les bruits les plus contradictoires circulent : « Othon est tué, Othon triomphe ; il fuit en exil, il marche sur Rome. » Enfin un soldat se présente au sénat avec une épée teinte de sang ; il déclare qu’il vient de tuer l’usurpateur. Dès lors les cœurs des sénateurs et des chevaliers s’échauffent ; leur enthousiasme devient d’autant plus violent qu’il est plus tardif. Ils montent à leur tour au Palatin, enfoncent les portes, vont se jeter aux pieds de Galba, le félicitent avec effusion. Leur joie hâte la perte du vieillard, qui consent à se montrer au peuple, revêt une cuirasse et se fait porter au Forum. Une multitude immense couvrait la place et tous les abords ; agitée à la fois et suspendue, ondoyante et compacte, elle s’écartait avec peine devant l’empereur ; on n’entendait qu’un murmure continu et dans l’air planait cette vague stupeur qui précède l’orage. Les porteurs étaient poussés d’un côté, refoulés de l’autre ; la litière impériale ressemblait à une barque abandonnée par son pilote et devenue le jouet des flots.

Tout à coup on entend le galop d’une troupe de cavaliers ; ils descendent des hauteurs de l’Esquilin ; ils viennent du camp ; ils cherchent Galba et crient à la foule de se ranger. On se précipite, on s’abrite sous les portiques, on escalade les colonnes et les corniches ; les grilles des temples sont forcées et les péristyles envahis ; les terrasses des maisons se hérissent de têtes. Le Forum s’est transformé en arène, les citoyens en spectateurs ; indifférens au sort de Galba, cent mille Romains assistent au drame qui va se dénouer, comme s’il s’agissait d’un gladiateur pris dans les filets d’un rétiaire. En voulant fuir, les serviteurs de Galba avaient renversé la litière au fond de laquelle se débattait leur maître impotent. Les émissaires d’Othon poussent leurs chevaux sur lui, épuisent leurs traits, puis, mettant pied à terre, l’achèvent à coups d’épée. Le corps fut abandonné auprès du lac Curtius, et le Forum redevint désert. Plus tard un simple soldat qui revenait de la provision heurta du pied le cadavre, jeta son fardeau, coupa la tête, et, ne