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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/376

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l’abdication et épargner à notre histoire la date lamentable de la première prise de Paris et celle plus lamentable encore de la seconde. Oui, ces dates cruelles pouvaient ne pas entrer de l’histoire de Napoléon dans la nôtre ; sa destinée désastreuse pouvait ne pas entraîner la nôtre, s’il avait consenti à être un souverain libéral et pacifique — Chimère, dit-on, qu’un Napoléon libéral et pacifique. — Non, puisqu’on 1815 aux cent jours, cette chimère, était le plan de conduite de Napoléon, plan, de conduite partout proclamé, que la défaite de Waterloo a ruinée et qui n’aurait peut-être pas hélas ! mieux résisté à la victoire.

Autre question : si la réforme que sollicitaient la France et le corps législatif à la fin de 1813 avait pu corriger Napoléon Ier d’être despote et d’être conquérant, cette réforme aurait-elle pu empêcher les armées de l’Europe d’entrer le 31 mars à Paris ? M. Thiers raconte dans ce dix-septième volume, c’est-à-dire dans cette histoire des premiers mois de 181A, dont on ne peut pas relire une page sans les relire toutes, tant, on se sent entraîné par l’histoire et par l’historien, M. Thiers raconte que dans les conférences entre les commissaires du corps législatif et M. D’Hauterive sur les négociations ouvertes pour la paix, M. Raynouard, un des commissaires et l’auteur de la tragédie des Templiers, proposait d’adresser publiquement à l’empereur et par conséquent à l’Europe, au nom de la nation française, la déclaration suivante : « Sire, vous avez juré, à l’époque du sacre, de maintenir les limites naturelles et nécessaires de la France, le Rhin, les Alpes, les Pyrénées ; nous vous sommons d’être fidèle à votre serment, et nous vous offrons tout notre sang pour vous aider à le tenir ; mais, votre serment tenu, nos frontières assurées, la France et vous n’aurez plus de motif ni d’honneur ni de grandeur qui vous lie, et vous pourrez tout sacrifier a l’intérêt de la paix et de l’humanité. » En politique, les paroles ne valent que par leur à-propos : oui, si ces paroles qui, comme le dit spirituellement M. Thiers, étaient une sommation de paix sous la forme d’une sommation de guerre, avaient pu être adressées à l’Europe, à l’empereur, à la France au commencement du mois de novembre 1813, quand les armées ennemies, arrêtaient encore devant nos frontières et que le secret de la vulnérabilité de celles-ci n’avait pas encore été révélé ; oui, à ce moment critique et solennel, ces paroles auraient averti l’Europe que la France était décidée à se serrer contre l’empereur pour défendre des frontières qu’elle tenait non de lui, mais de la république, qu’elle était décidée en même temps à contenir l’empereur dans les limites qu’elle se traçait, et à réprimée du même coup son despotisme au dedans et son ambition au dehors ; ces paroles auraient pu alors produire un grand et heureux effet, parce qu’il était