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le ciel à sa famille, et qu’il avait le devoir de conserver intact à ses descendons. De plus il s’était persuadé que l’article 14 de la charte, qui donnait au roi le droit « de faire les règlemens et ordonnances nécessaires pour l’exécution des lois et la sûreté de l’état, » attribuait la dictature à la royauté quand la royauté croirait que la sûreté de l’état était menacée. Voilà pourquoi il eut la tranquillité de conscience du dévot dans son coup d’état et la résignation du martyr dans sa déchéance et dans son exil.

Des réconciliations manquées passons aux transactions essayées. Avec les préjugés de sa race, avec sa peur et sa haine de la révolution, avec l’idée enfin qu’il avait que les élections de 1827 avaient ramené la France en 92, il faut savoir gré au roi Charles X d’avoir essayé de la transaction qui s’est s’appelée le ministère de M. de Martignac.

Le ministère de M. de Martignac a beaucoup grandi dans l’histoire. Sa chute, en 1829, devant le ministère de la contre-révolution et la chute de la restauration en 1830 nous ont fait comprendre ce qu’il était. Nous ne l’avons connu qu’après l’avoir perdu, et nous l’avons regretté plus que nous ne l’avons aimé. Les qualités de M. de Martignac, plus aimables que brillantes et plutôt gracieuses que grandes, ne se prêtaient pas au rôle de médiateur tel que nous nous le figurons ; nous concevons plutôt le médiateur impérieux et dominant que le médiateur habile et conciliant. Nous aimons les grands airs, et, pour nous plaire, il faut payer de force ou d’effronterie. M. de Martignac était adroit, mais il n’était pas charlatan. C’était un excellent négociateur ; ce n’était pas et ce ne pouvait pas être un arbitre imposant. Il n’avait rempli jusque-là dans le gouvernement que des fonctions secondaires, il n’avait pas donné toute sa mesure. Il aimait la réputation, l’honneur, la gloire même ; mais il n’avait pas d’ambition ardente. De plus il avait le goût du plaisir et du loisir, ce qui le rendait encore moins capable d’être un ambitieux de la grande école. Il y a dans notre caractère national cette qualité ou ce défaut, que nous comprenons mieux le grand que le bon. La générosité de M. de Martignac défendant M. de Polignac l’a singulièrement rehaussé dans notre esprit et nous a aidés à comprendre la sagesse de M. de Martignac, qui voulait, par son ministère, empêcher la contre-révolution de provoquer la révolution.

Toute la question en effet était là ; mais dans cette question que de difficultés ! que de haines et de défiances des deux côtés ! que de théories violemment opposées et également insensées ! Dans le parti libéral et dans le parti des royalistes libéraux, il ne manquait pas d’esprits intelligens et éloquens qui prêchaient la transaction, représentée par le ministère Martignac, qui montraient que le salut