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d’ennuis et de dépits. Il fallait en finir, et le roi Charles X commença d’en finir en nommant, le 8 août 1829, M. de Polignac ministre des affaires étrangères. Ce jour-là, l’abîme s’ouvrit ; il ne fit plus que s’élargir jusqu’au coup d’état du 25 juillet 1830, qui y poussa la monarchie de 1814, et l’abîme ne se referma qu’à moitié avec la monarchie de 1830.

En passant des transactions aux catastrophes, j’ai besoin de me demander si la catastrophe de la monarchie de 1814 lui a été annoncée à temps, ou bien si cette monarchie est tombée tout à coup, sans avoir été prévenue de sa chute prochaine. Jamais roi n’a été plus averti de ses dangers que le roi Charles X ; jamais roi n’a été plus conjuré de renoncer au pouvoir personnel et dictatorial qu’il croyait trouver dans l’article 14 de la charte et surtout dans la prérogative héréditaire de sa race, — de renoncer, disons-nous, à ce pouvoir discrétionnaire qui n’était qu’une théorie périlleuse, pour se contenter du pouvoir monarchique qu’admettait et que consacrait la charte. Dans le grand nombre de ces avertissemens que pourra citer l’histoire, j’en prends un que je ne puis pas oublier.

Les ministres que remplaçaient M. de Polignac et ses collègues étaient, parmi les hommes politiques du temps, ceux que l’avènement du nouveau ministère troublait le moins. Tout en voyant très bien le danger d’une aventure contre-révolutionnaire, ils y avaient toujours cru. Ils n’étaient donc pas surpris ; de plus ils sortaient par une belle porte. En remettant son portefeuille, un des plus considérables d’entre eux par sa ferme intelligence et par sa grande fortune, le comte Roy, avait pris la liberté de prédire respectueusement à Charles X la marche inévitable des choses et comment son ministère serait peu à peu acculé aux coups d’état. Cette extrémité, que le roi ne voulait pas hâter, ne l’effrayait cependant pas, s’il y fallait arriver, et cette disposition était un péril de plus. Ces résolutions qu’on garde comme un en-cas pour la dernière heure sont dangereuses, parce qu’elles donnent aux princes une fermeté ou une confiance qui précipite les événemens. Il y en a dans notre histoire un autre exemple et qui n’a pas été moins fatal en sens contraire que celui de Charles X : je veux parler de la résolution que le roi Louis-Philippe, dans les dernières années de son règne, gardait au fond de l’âme d’abdiquer la couronne plutôt que de se prêter à la nécessité des circonstances. Le roi Louis-Philippe avait laissé percer dans ses conversations quelque chose de ce projet d’abdication ; on n’y croyait pas. Cette idée n’était pas seulement pour le roi un moyen de résistance et de dignité personnelle fort opposé à la passion de pouvoir personnel qu’on lui prêtait ; il croyait, trompé en cela, comme nous tous, par la confiance qu’il avait dans le gouvernement représentatif, il croyait que ce