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besoin de traiter. Personne non plus dans la majorité ne voulait la guerre d’Allemagne, et au fond le corps législatif dut être le premier surpris du discours d’Auxerre, qui encouragea la Prusse à tout oser, puisque ce discours déchirait publiquement les traités de 1815 au moment où ces traités devenaient pour nous une garantie en Allemagne. Personne dans la majorité ne voulait la politique oscillatoire qui a semblé d’abord abandonner Rome à l’Italie pour la lui retirer ensuite violemment, sans savoir si elle ne la lui abandonnera pas une autre fois. D’où vient que la majorité, voyant le bien, a fait le mal ? Est-ce la passion qui l’a poussée au mal ? Non. Est-ce la clairvoyance qui lui a manqué ? Non, certes ! Elle n’a pas osé se détacher du ministre et de l’empereur, elle a suivi le maître qu’elle désapprouvait. Elle ne s’est trompée sur rien, et elle a fait comme si, à l’instar du gouvernement, elle s’était trompée sur tout. Est-elle responsable de tout ce qu’elle a fait ou laisse faire ? Oui, assurément, et pour que la sanction de cette responsabilité de la majorité de 1863 fût plus grande ou plus significative, c’est M. Rouher lui-même qui a expliqué hardiment à la majorité, l’histoire ne l’oubliera pas, que dans l’expédition du Mexique le gouvernement n’avait pas agi en dehors de la chambre, comme le disait l’opposition. Le gouvernement avait tout communiqué à la chambre, et la chambre avait consacré par ses votes tout ce qu’avait fait le gouvernement, de telle sorte que la majorité a appris de la bouche de M. Rouher qu’elle était responsable, non-seulement de tout l’argent dépensé, mais aussi, ce qui est bien pis, de tout le sang versé : terrible démonstration de cette vérité, que l’obéissance des majorités ne fait leur innocence ni devant le pays, ni devant l’histoire.

Il n’y a eu dans l’attitude de la majorité de 1846 et 1847 rien qui-ressemble aux désastreuses obéissances de la majorité de 1863. Ce qui fait surtout la différence, c’est que toutes les mesures qu’a consacrées la complaisance de la chambre de 1863, le Mexique, la guerre d’Allemagne, la question italienne, touchaient à la situation de la France en Europe, et en Amérique, et la modifiaient profondément, tandis que les mesures débattues en 1847 entre le ministère et l’opposition ne concernaient que l’état intérieur de la France. Il n’y avait donc pas de périls pour nous sur nos frontières ; dans les débats de ce temps, il n’y avait de dangers que pour le ministère, il n’y en avait point pour l’état, point même d’abord pour le gouvernement. M. Guizot, dans le huitième volume de ses Mémoires, définit lui-même la situation des esprits dans la chambre d’une manière que je trouve exacte, plutôt affaiblie qu’exagérée. Dans l’opposition, à ses divers degrés, nous demandions certaines réformes. Les élections, dit M. Guizot, avaient amené dans la chambre