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fait pour les arts. D’abord elle les a émancipés, et a la première essayé d’intéresser la nation entière aux belles œuvres. Avant 1789, il n’y avait d’exposition publique que pour les académiciens, dont les œuvres étaient placées « par rang d’ancienneté. « Il est difficile de pousser plus loin l’amour de la hiérarchie. Les autres peintres devaient se contenter d’une petite exposition qui se tenait sur la place Dauphine, en plein air, le jour de la Fête-Dieu, et durait deux heures. C’est le gouvernement révolutionnaire qui ouvrit des expositions pour tous les artistes français et étrangers. Il organisa au Louvre un musée public où tout citoyen pouvait venir travailler cinq jours par décade, il établit des concours dont les prix en argent s’élevaient à la somme de 242,000 livres ; il voulait que le palais de Versailles devînt un centre d’instruction publique, et songeait à établir des cours de dessin dans les salons de Lebrun. Quant à l’école de Rome, il supprima les fonctions de directeur, qui parurent contraires à l’esprit de l’institution. Jugeant que les élèves avaient besoin d’une surveillance plus cordiale que rigoureuse et surtout d’un appui solide, on les mit sous la garde du ministre de France à Rome.

Il est un fait assez singulier qui se passe de nos jours. De l’aveu de l’administration, les lauréats du concours de gravure partent graveurs et reviennent peintres. Cette transformation bizarre est la suite d’une loi naturelle, et la cause n’en est pas difficile à démêler. La gravure au burin, ce qu’on appelle la grande gravure, ne jouit point aujourd’hui de beaucoup de faveur auprès du public ; comme elle est moins demandée, on l’abandonne. La photographie est en train de la remplacer peu à peu. A peine dans ce naufrage d’un art qui a eu ses jours de splendeur surnage-t-il encore deux ou trois noms honorables ou illustres. Quoi d’étonnant que la plupart des graveurs renoncent à un procédé qui ne les met plus en rapport avec leurs contemporains ? À cette situation, l’état cherche des remèdes, il n’en trouvera point. Il ne pourra qu’adoucir une transition pénible. Là où l’encouragement des particuliers manque, toute subvention officielle est insuffisante.

Tous les ans, les élèves de Rome doivent envoyer un certain nombre d’ouvrages à Paris. Ils les exposent d’abord à la villa Médicis. Cette exposition est fort suivie par toute la population romaine et par les pensionnaires des autres nations. On est assez favorable sur les bords du Tibre aux jeunes artistes de notre pays. Leur séjour flatte l’orgueil italien. Les Romains voient dans la fondation et le maintien de notre école l’aveu que leur ville est encore la capitale des arts. C’est à des élèves de la villa Médicis qu’on doit bon nombre de travaux qui ont fait mieux connaître ce que furent à leurs époques de splendeur non-seulement Rome, ce foyer de la