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civilisation latine, mais encore cette autre ville, centre d’une humanité plus douce, auprès de laquelle la race romaine semble presque barbare. On sait ce que les recherches françaises ont fait pour la mise en lumière des monumens d’Athènes. Nos architectes ne se sont point contentés d’aller à Rome, il n’en est guère qui n’aient voyagé en Grèce, pour étudier ces édifices qui ont gardé la grâce et comme un souvenir de la jeunesse du monde.

C’est une position fort enviée que celle de directeur de l’école de France. Ceux qu’on envoie à ce titre ont l’honneur de représenter l’art français en Italie. La liste des directeurs s’ouvre par le nom d’Errard. Entre autres peintres célèbres, N. Coypel (1672), de Troy (1738), Natoire (1751), Vien (1774), Guérin (1822), Horace Vernet (1828), y ont successivement figuré. M. Ingres la dirigea et y exerça une très grande influence de 1834 à 1840. Les derniers directeurs sont M. Schnetz, M. Robert-Fleury, qui n’a fait à la villa Médicis qu’une assez courte apparition, et M. Hébert. Quand les élèves pensionnaires de France retournent dans leur pays, ils ont trente ans ou peu s’en faut. Le terme maximum était jadis trente-cinq ans. Ils se trouvent avoir dépensé une grande partie de leur vie pour achever leur éducation d’art. Ils entrent dans la mêlée, non pas tout à fait en simples soldats, mais en officiers qui ont d’abord à justifier leur grade. Ils n’ont conservé quelques communications avec le public que par les envois annuels, qui sont, il est vrai, discutés et étudiés attentivement. Autrefois ils se trouvaient condamnés d’ordinaire à une longue obscurité et à des luttes pénibles ; aujourd’hui leur situation n’est pas trop mauvaise. En général, l’état, continuant pour eux son système de protection, les charge de quelques travaux. Les premiers pas leur sont facilités, et c’est à eux de se distinguer et de s’élever de plus en plus.

En résumé, l’état a rendu aussi aisé qu’il l’a pu l’accès des écoles, il a montré une libéralité véritable à fournir aux hommes de talent des moyens d’étude et des occasions de succès. S’il y avait un reproche à lui adresser, ce ne serait donc pas de ne point protéger assez les artistes, ce serait plutôt de les trop protéger. Athènes ne subvenait point aux frais de l’éducation de ses peintres, de ses architectes et de ses sculpteurs. Les leçons coûtaient au contraire fort cher. Elle n’en a pas moins eu une profusion d’artistes admirables. C’est qu’il y avait dans les suffrages de l’intelligente et libre population de l’Attique un énergique stimulant aux efforts et à l’émulation du génie. Les élèves de nos écoles gratuites, les pensionnaires de la villa Médicis, trouvent dans l’état un client commode, et se laissent aller à un art particulier, habile, plus raffiné que simple et fort, parfois adulateur et peu en rapport avec les généreuses tendances de l’avenir. Cette voie n’est pas la bonne.