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est avouée ouvertement comme une nécessité du régime nouveau : les agens de l’autorité ont le droit et le devoir de la faire réussir par tous les moyens dont ils disposent. Voyons ce qu’a été au début la pratique de ce système et ce qu’il en est advenu avec le temps.

Peu de jours avant les premières élections législatives, fixées aux 29 février et 1er mars 1852, la liste des candidats du gouvernement, en nombre égal à celui des collèges, avait été publiée dans les journaux et recommandée officiellement par les préfets à leurs administrés. Quant au corps électoral, on avait repris à peu près les anciennes listes du suffrage universel, où se trouvaient alors 9,836,043 noms. Les abstentions furent nombreuses ; elles dépassèrent de beaucoup le tiers des inscrits. Il y eut pour les candidats du gouvernement 5,218,602 voix. L’opposition réunit 810,962 suffrages exprimés ; il est probable qu’une grande partie des abstentions lui appartenaient intentionnellement. Les quartiers commerçans de Paris protestèrent contre le coup d’état en envoyant au corps législatif le général Cavaignac et M. Carnot. A Lyon, le docteur Hénon fut nommé par les classes ouvrières, dont il possédait depuis longtemps les sympathies. A part ces trois nominations républicaines, tous les candidats recommandés furent élus, et, les trois opposans ayant refusé le serment, leurs places furent bientôt remplies. Ainsi fut réalisée dans toute sa plénitude cette unité de tendances et d’intérêts que M. de Persigny jugeait indispensable pour le bon fonctionnement du pouvoir personnel. Une remarque assez curieuse a été faite sur la composition de cette première assemblée de la démocratie césarienne : elle comprenait 1 prince, 4 ducs, 10 marquis, 21 comtes, 9 vicomtes, 22 barons, nombre de généraux, en tout 104 membres sur 261 munis de titres nobiliaires ou des plus hauts grades de l’armée. On aurait pu prendre cet essai du vote populaire à la commune pour un retentissement des vœux exprimés par les introuvables de 1815. Cela montrait aussi une étrange affinité du nouveau régime avec les ultra-conservateurs.

Certes l’action parlementaire pendant cette première phase ne fut pas de nature à gêner le souverain. Au dehors des chambres, l’opinion publique n’était pas moins amortie, et, quand vint en 1857 l’heure de renouveler l’assemblée, la fièvre électorale se manifesta avec moins d’intensité peut-être qu’en 1852. Après le coup d’état, la colère, bien souvent refoulée dans les âmes, leur donnait du ressort. Six ans plus tard, les ressentimens étaient affaiblis dans la généralité du public, un calme somnolent contrastait avec les agitations passées. On était d’ailleurs sous la fascination d’un grand succès militaire dont on exagérait la portée pratique. Dans l’ordre de l’économie intérieure, « les affaires allaient, » mot magique