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Page:Revue des Deux Mondes - 1869 - tome 82.djvu/461

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demande sera munie de cinq signatures et autorisée par quatre bureaux au moins sur neuf, ce qui fait dépendre la faculté d’interpeller du bon plaisir de la majorité. La liberté qu’on rend à la presse en supprimant l’autorisation préalable de fonder des journaux est faussée par l’obligation du timbre, qui subordonne la publicité à des influences financières. Le droit de réunion est entouré de tant d’entraves et de menaces que les gens pacifiques s’en effraient, et qu’au lieu de servir à l’échange paisible des idées il devient le privilège des audacieux. Etudiez dans le détail toutes ces innovations, et vous y remarquerez deux traits caractéristiques : d’abord la volonté nettement accusée de n’octroyer jamais qu’à l’état de concession et de tolérance les facultés politiques dont les peuples voisins jouissent à l’état de droit naturel, en second lieu l’impatience d’améliorer sans affaiblir ce qu’on appelle en style de cour les prérogatives de la couronne.

Dans le corps législatif, un symptôme à noter était le fractionnement de la majorité et l’essai d’y constituer un parti dynastique et libéral. L’amendement du tiers-parti réunit au vote 66 adhérens ; c’était plus qu’il n’en fallait pour devenir le parti directeur, si l’amendement avait été autre chose qu’une aspiration nuageuse. Les promoteurs du tiers-parti n’avaient sans doute pas mesuré leur résolution aux difficultés de l’entreprise. Un fait bien autrement considérable, quoiqu’il n’ait été qu’un incident fugitif, est la sortie de M. de Maupas au sénat. Ici, c’est un des agens actifs du coup d’état, un des fondateurs de l’empire qui, mettant le doigt sur le côté faible du mécanisme, déclare qu’il est temps de couvrir le souverain par la responsabilité ministérielle, ce qui impliquerait le choix des ministres suivant les indications de la chambre et une sorte d’abdication du gouvernement personnel.

Pendant ce temps, le suffrage universel observait et prenait des forces. Veut-on mesurer le chemin que faisait l’opinion, qu’on analyse les élections partielles qui ont eu lieu dans le courant de la législature, c’est-à-dire du mois de décembre 1863 jusqu’à la mémorable élection de M. Grévy en août 1868. L’oracle a été consulté cinquante-six fois. Aux élections générales de 1863, les candidats officiels avaient recueilli dans ces 56 collèges 1,032,367 suffrages : l’opposition n’avait eu que 307,295 adhérens. Dans les épreuves qui eurent lieu accidentellement par suite de réélections, de décès ou de démissions, les mêmes 56 collèges ne donnèrent plus que 842,759 voix au gouvernement. L’opposition en réunit 529,290. Le système impérial perdait 189,000 voix, soit 18 pour 100 ; le parti de la résistance avait gagné 222,000 voix, soit 58 pour 100. Les réélections partielles avaient fortifié incessamment l’opposition