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en introduisant à la chambre MM. Pelletan, Magnin, Buffet, Carnot, Garnier-Pagès, Bethmont, Girot-Pouzol, Tillancourt et Grévy. Ceux qui observaient silencieusement la marche du suffrage universel s’attendaient bien à ce qu’il mît en 1869 des forces nouvelles au service de la cause libérale : les résultats ont dépassé les prévisions.


IV

On n’aurait pas une idée exacte des élections de 1869, si on se contentait de grouper les chiffres de scrutin et de compter les élus. Pour mesurer la portée politique du coup d’état que vient de frapper à son tour le suffrage universel, il faut connaître les obstacles qu’il rencontre et qu’il doit vaincre. Les moyens d’influence dont le régime impérial dispose sont nombreux et variés ; il y en a qu’on dissimule et d’autres qu’on exerce comme un fait normal. Le plus efficace parmi ces derniers est le droit que le pouvoir s’attribue de tracer à sa fantaisie les circonscriptions électorales. Presque toutes les législations connues ont proportionné le nombre des députés à élire au chiffre des habitans qu’il s’agit de représenter ; chez nous actuellement, c’est le chiffre des électeurs inscrits qui donne le nombre de représentans à nommer. Or, le fait de l’inscription dépendant des préfectures, le gouvernement peut faire pencher la balance de son côté en inscrivant d’office les citoyens dont il augure bien, et en attendant que les autres réclament leur inscription. Ce premier point a son importance. Les listes d’après lesquelles les circonscriptions sont réglées doivent être établies tous les cinq ans et à des époques qui ne coïncident pas avec les élections. Ainsi les listes qui ont servi de base aux opérations de 1869 ont été arrêtées le 28 décembre 1867. C’est seulement à l’approche des scrutins que les citoyens se dérangent pour vérifier si leurs noms figurent sur les listes. Quand on se décide à faire ces inscriptions tardives, les circonscriptions sont déjà dessinées, le nombre des représentans à élire est fixé. Ainsi la liste arrêtée par décret du 28 décembre 1867 ne donnait au département de la Seine que 309,703 électeurs inscrits ; ce total incomplet ne comprenant que neuf fois 35,000, l’administration s’est empressée de limiter à 9 le nombre des députés de Paris. Dix-huit mois plus tard, les citoyens non inscrits d’office ayant réclamé leur droit, les inscriptions montèrent à 393,324. À ce compte, Paris devrait avoir 11 députés au lieu de 9, et deux élus de plus auraient assurément grossi le groupe de la gauche. Si la représentation avait pour base non pas les inscriptions admises par les maires, mais le nombre des